jeudi 7 juin 2007

Les obligations du juge de paix


La sous-série BB/8/1391 à 2858 et 2888/2 à 2999 des Archives nationales se compose d’une succession régulière et homogène de dossiers de juges de paix, de leurs suppléants et de leurs greffiers.

Dans le billet précédent, nous avons vu les compétences en matière gracieuse et conciliatrice du juge de paix ainsi que celle en matière contentieuse (du XIXe siècle jusqu’en 1958).
Mais il a aussi d’autres obligations...
Avant d’entrer en fonctions, le juge et ses suppléants prêtent serment à l’une des audiences du tribunal de première instance de leur arrondissement, à peine d’une amende de 16 fr. à 150 fr. (Code pénal, art. 196) et de la nullité de leurs actes et jugements. Leur costume est le même que celui des juges des tribunaux de première instance…
…bien que ce rituel ne soit toujours pas au goût de tous les magistrats nommés :

  • Dupuis, remplacé par Le Gouis (Jean-Abraham) le 16/2/1895, refuse catégoriquement le costume. Le rapport du procureur général en donne un compte-rendu: «(…) convoqué (…) à effet de prêter serment, M. Dupuis s’est présenté devant le tribunal en habit civil. Sur l’observation de président qu’il avait à revêtir une robe, M. Dupuis s’est retiré, déclarant qu’il refusait de revêtir une robe, que tout au plus il consentirait à ceindre une ceinture. Ni les observations du président, ni celles de mon substitut ne purent surmonter l’horreur qu’avait ce magistrat de la robe, et le 3 novembre suivant, il adressa sa démission (…)» BB/8/1407, Seine-Inférieure, dossier LE GOUIS (Jean-Abraham).

La même mésaventure arriva à un suppléant.

  • Nommé le 11/1/1896 en remplacement de Pierart, démissionnaire, et invité à prêter serment à l’audience du 22/1/1896, Herbo (François), tanneur de profession, s’est présenté en habit civil. Voici en quels termes le procureur général rend compte de cet «incident» au garde des Sceaux le 20/2/1896: «(…) M. Herbo répondit que tout cela l’ennuyait beaucoup et (…) qu’il ne prêterait pas serment (…), je m’empresserais de vous en aviser en vous demandant de le considérer comme non acceptant» - BB/8/1428, Nord, dossier HERBO (François).

Enfin, le juge de paix est tenu de résider dans l’une des communes du canton sous peine de d’être remplacé comme démissionnaire (loi du 28 floréal an X).

  • Sibert(Georges) nommé au Havre le 9/11/1897 était censé résider dans l’une des dix communes de canton. Mais il demeure à Rouen. Dans un rapport du 29/1/1899 adressé au garde des Sceaux, le procureur général rappelle que «le rôle du juge de paix n’est rempli que s’il donne son temps à ses fonctions ; comment pourrait-il, en descendant du train pour l’audience, s’initier aux habitudes, au caractère, à la moralité des justiciables ? Comment, pressé qu’il est de reprendre le chemin de Rouen, pourrait-il concilier les parties (…)». Sibert avance que «le climat du Havre ne saurait convenir à [son] fils dont la santé est plutôt délicate». Il sollicite un sursis. Dans un rapport en date du 14/2/1899, le procureur fulmine : «un sursis jusqu’au mois d’août ne serait qu’un moyen d’éluder l’injonction qui lui a été faite. Au mois d’août, la situation sera la même qu’aujourd’hui (…)». Excédé, le juge de paix donnera sa démission quelques jours plus tard - BB/8/1502, Seine-Inférieure, dossier SIBERT (Georges).
La réforme judiciaire de 1958 supprime la justice de paix (remplacé par des tribunaux d’instance). En décembre 1958, il existait 2902 justices de paix ; en 1959 il n’existe plus que 455 tribunaux d’instance.

Dans un prochain billet, nous verrons le contenu d'un dossier du juge de paix.
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