vendredi 22 février 2008

Le fonds de la Légion d'honneur aux Archives nationales

(quelques dossiers de propositions de Légion d'honneur en LH/3185 et suivants)


En ce moment je n'ai vraiment pas trop le temps d'alimenter mon bloc-notes en raison de nombreuses réunions et de nombreux stages dispensés un peu partout. Ajoutez à cela le travail archivistique et la journée est alors bien remplie….

Mais je profite des photos prises dans les magasins de la Légion d'honneur pour faire un peu le point sur le travail que mon collègue Olivier et moi menons sur ce fonds et sur le répertoire numérique que nous rédigeons.
Rappelons que les premiers dossiers de légionnaires ont été versés par la Grande Chancellerie à partir de 1974 mais ce fonds présente des lacunes dues à des pertes d’origine diverses. Ainsi, les dossiers du Premier Empire ont été presque entièrement détruits à la Restauration et seuls ont été préservés ceux des membres ayant prêté serment à Louis XVIII et de la même façon, en 1871, au moment de la Commune, un certain nombre de dossiers a été perdu et seuls échappèrent les dossiers qui avaient été entreposés dans la cave à charbon du palais de Salm suite aux travaux d’agrandissement entrepris à partir de 1868 à la Grande Chancellerie. Ceux sont vraisemblablement ces dossiers qui furent versés 2002 par la Grande Chancellerie aux Archives nationales (Paris) ainsi qu’un versement complémentaire de dossiers individuels de discipline et de secours, de propositions collectives et individuelles sauvés de l'incendie du palais de Salm, le 23 mai 1871, et conservés depuis au Musée de la Légion d'honneur. La nature "vrac" de ce "versement" nous a empêché de réintégrer les dossiers de légionnaires dans ceux déjà existants d'autant que souvent il n'existe souvent pas de dossiers aux noms concernés.

(avant le classement et le reconditionnement)

Voici un très rapide aperçu du répertoire numérique que nous rédigeons en ce moment ainsi que les fameuses photos "avant" et "après".

LH/1-LH/3026 Dossiers individuels ou collectifs de légionnaires

LH/1-LH/2794 Dossiers nominatifs de légionnaires (environ 215 000 dossiers de titulaires décédés avant 1954, voir sur la base Leonore)
LH/2795-LH/2812 Dossiers nominatifs de légionnaires : résidus (mais dossiers très riches)
LH/2813-LH/2999 cotes vacantes (en prévision d'un nouvel versement de "résidus")
LH/3000-LH/3025 Dossiers nominatifs de discipline et secours : correspondance, notes, états de service, brevets et extraits divers


LH/3026-LH/3076 Dossiers de propositions collectives : états de services individuels ou collectifs, pétitions et correspondance

LH/3026 Fonction publique, armées.
LH/3027 Armées d'Espagne.
LH/3028-LH/3043 1er à 199e infanteries de ligne
LH/3044-LH/3050 Infanterie légère.
LH/3051-LH/3061 Troupes à cheval.
LH/3062-LH/3063 Artillerie.
LH/3064 Génie, Mineurs, Sapeurs
LH/3065 Garde impériale
LH/3066 Corps des chasseurs, Voltigeurs, Dragons, etc.
LH/3067/1 Gendarmerie, Troupes françaises.
LH/3067/2-LH/3070 Troupes étrangères.
LH/3071/1 Vétérans nationaux, Écoles militaires, Officiers de santé
LH/3071/2 et LH/3072 Marine
LH/3073-LH/3076 Service de santé militaires : dossiers individuels.

Dossiers de propositions collectives et individuelles de 1803 à 1930 (série M2a, M2b et M2c) : en cours de classement.

LH/3077-LH/3184 Propositions individuelles, série M2a (déjà classé)
LH/3185 et suivants Propositions individuelles, série M2b (en cours de classement)
Nous nous sommes arrêtés à LH/3211 pour l'instant (en février 2008).

(après le classement et le reconditionnement)

Et restera encore à classer tous les dossiers de secours et pensions aux légionnaires et à leur famille, pensions viagères, etc., dont voici un rapide état :

  • Secours et pensions aux légionnaires et à leur famille, pensions viagères (classement départemental), série N1a
  • Secours et pensions aux légionnaires et à leur famille, pensions viagères : répertoires sur fiches, série N1c
  • Secours et pensions aux légionnaires et à leur famille, subventions supplémentaires (classement alphabétique) série N2a et N2b
  • Secours et pensions aux légionnaires et à leur famille, subventions supplémentaires ; états des recensement (Seine 1871); enregistrement des états de répartition 1871-1876 (classement départemental), série N2d.
  • Secours et pensions aux légionnaires et à leur famille et divers, série N3a, série N3b (classement alphabétique)

Du travail en perspective !

lundi 4 février 2008

J'ai incendié le Palais-Royal


(renseignements sur Léopold Boursier)

Voici un dossier de recours en grâce inédit que j'ai trouvé en classant les résidus de documents de la division criminelle en BB/18/1796/1 à 1810 pour les années 1869 à 1889. Il s'agit du dossier de Léopold Boursier, condamné à mort par contumace, le 3 mars 1873 pour insurrection (événements de la Commune) et "incendiaire du Palais-Royal" (c'est à dire les alentours des Tuileries actuelles) dans la nuit du 23 au 24 mai 1871.
Le fichier BB/27/107-109 des grâces de la Commune donne une fiche à son nom, mais le dossier (numéro 1243 S79) ne se trouvait pas dans les sous-séries BB/21 à BB/24 habituellement consacrées aux dossiers de grâce. Son dossier avait été renvoyé à la division criminelle en 1879 lorsque Boursier, alors réfugié à Londres, demanda une amnistie ou "une autorisation de venir passer vers la fin du mois d'avril [1879], huit à dix jours en France pour des intérêts de son commerce…"

L'incendie du Palais-Royal et de ses alentours, fut une perte immense à tout point de vue ! les combats qui faisaient rage dans le quartier empêchèrent les pompiers d'intervenir et l'incendie ne sera complètement éteint que dans la soirée du 25 mai. Tous les bâtiments compris entre la rue de l'Échelle et la porte des Lions au sud étaient ravagés. Seuls ont subsistés le gros œuvre (dont les façades étaient noircies) et l'aile de Flore (resté inachevée). On sait que douze plus tard (en 1883), on décida la démolition complète du château des Tuileries qui sera remplacé par un jardin (le Carrousel) où sont installées aujourd'hui une vingtaine de statues de Maillol encadrées par de jolies haies.

(Les Tuileries après l'incendie), cliché - Wikipédia

Ce sont les archives de l'Agence d'architecture du Louvre et des Tuileries (série 64 AJ) couvrant une période s'étendant de 1848 à 1968 environ, et à travers les études, plans, projets, dessins, photographies, réalisés pendant les travaux de restauration et d'achèvement du Louvre au Second Empire, qui ont permis, des années plus tard, à représenter un précieux témoignage de tous les bâtiments disparus (une partie de la Grande Galerie, les anciens pavillons de Flore et de Marsan, le château des Tuileries, ou encore la bibliothèque du Louvre).

(le jardin des Tuileries aujourd'hui)

Mais revenons à notre incendiaire. Il est né le 25 janvier 1839 à Villeneuve-le-Guyard dans l'Yonne. Il est marchand de vin et avait été condamné une première fois le 11 mai 1865 pour faillite. Au moment des faits, il demeure au 36 de la rue du Temple. Dans la nuit du 23 mai, " il arrive, à minuit, au Palais [-Royal] dans une voiture à quatre roues chargée de bombonnes de pétrole, elle s'arrête sous le vestibule de l'escalier d'honneur (…) à 4h du matin, Boursier fait signe [aux fédérés] que tout est prêt [on avait répandu du pétrole sur les meubles, les lustres, etc.] et que le Palais va être incendié, etc.".
Condamné à mort par contumace, Boursier se réfugie à Londres, au 25 de la New Castle Street où il exerce la profession de "theatrical jeweller and armourer" (j'ignore ce que c'est comme profession)…il revient donc en France en 1879 et, curieusement, est amnistié par la loi du 14 juillet 1880 qui pourtant fut une loi assez restrictive puisqu'elle excluait les condamnés à mort ou aux travaux forcés pour les crimes d'incendie ou d'assassinat, les condamnés qui n'avaient pas fait l'objet d'une commutation de leur peine en une peine de déportation, de détention ou de bannissement, etc. Au reste, la grande majorité des combattants de la Commune n'accède pas au statut de citoyens, les Communards sont restés des individus "condamnés pour avoir pris part à des événements insurrectionnels" et ne seront jamais remboursés de leurs frais de justice, sans compter les milliers de morts, fusillés ou massacrés avec ou sans jugement…

Cruelle page d'histoire…

vendredi 1 février 2008

Des mérites éminents

(Dossier de candidature à la croix de
chevalier de la Légion d'honneur de Jean Dirassen)

Aujourd'hui, quel crédit donner à la Légion d’Honneur, fondée en son temps et selon le contexte de l'époque (en 1802) par le premier consul Bonaparte, lorsqu'on la décerne à n'importe qui, à des acteurs américains (sans aucun talent, soit dit en passant) ou à des hommes d'affaires (véreux pour la plupart) qui ne se sont distingués ni par la gloire des armes (tant mieux, au reste, qu'il n'y ait plus de guerre), et encore moins à leur mérite ou à leur savoir ou leur irréprochabilité dans le comportement…Enfin bref !

Je ne suis pas trop attaché à ce genre de matérialisme où l'on décore à coup de métal ou de ruban, tel pour un sapin de Noël, les "méritants" (encore faut-il s'entendre sur la définition de ce mot) mais il est amusant de faire une savoureuse comparaison avec les critères du siècle dernier où le mérite était souvent accompagné de grandeur, d'honnêteté, de grande moralité, de talent, de vertu, etc.

C'est toujours en classant notre fonds de propositions de la Légion d'honneur versé par la Grande Chancellerie en 2002 (LH/3185 et suivants) que mon collègue Olivier et moi, avons déniché cette croustillante photographie qu'un "méritant" a joint dans son dossier pour, sans doute, prouver qu'il porte bien toutes les décorations et médailles qui lui avaient été décernées depuis l'âge de 15 ans !

(Jean Dirassen, vers 1902)

Notre Jean Dirassen est doyen des combattants et des vétérans de la Côte-d'Or, il est né le 1er juillet 1812 à Guiche (Basses-Pyrénées), il fut mousse dès l'âge de 8 (et jusqu'à 12 ans) dans la marine marchande puis laboureur jusqu'à l'âge de 15 ans.
Au mois de juin 1827 il a la jambe droite brisée, une côte enfoncée du même côté pour son premier sauvetage. Il devient ensuite instituteur à Labastide-de-Clairance (Basses-Pyrénées) en 1832, puis militaire en 1833, etc. Il a donc une vie tout entière de labeur et de dévouements particuliers, ses brillants états de services en font foi

Et pour ne citer qu'un fait sérieux entre autres, en 1834, alors agent-voyer à Délie (Haut-Rhin), une épidémie meurtrière se déclara à Beaucourt, centre industriel, et que notre fonctionnaire s'y rendit en toute hâte, où il reçut bientôt des ordres supérieurs qui l'invitaient à se joindre à la municipalité jusqu'à la fin du fléau qui dura trois mois. Au mois de septembre 1855, à Belfort, le choléra y sévit également pendant 28 jours ; là, notre homme y fut atteint par la terrible maladie, et c'est seulement en 1882, qu'il apprit par les journaux que la Société nationale venait de lui attribuer la grande médaille d'or pour services dans les épidémies

Et c'est presque âgé de 90 ans, le 9 juin 1902, après avoir défendu le sol alsacien comme garde national où il s'est engagé comme volontaire, à Cuire, près de Lyon, pour la durée de la guerre qu'il demande enfin, et recommandé par Joseph Magnin, alors sénateur de la Côte-d'Or, la Croix de Chevalier de la Légion d'Honneur pour ses brillants services (50 ans civils et militaires, 32 ans dans les compagnies de pompiers, et pour toutes ses blessures contractées au cours de sa vie) qu'il obtint seulement en 1906 (son dossier est dans LH/779).

Il paraîtrait que depuis cette année, l'obtention de la Légion d’Honneur ne dépendrait plus seulement du mérite, ce qui me semble pourtant logique, mais plutôt d'une nouvelle politique d'ouverture (davantage de "gens ordinaires") et d'une parité totale entre les hommes et les femmes (voir notre dernier billet à ce sujet), on verra bien…

Moi je serai d'avis de supprimer purement et simplement cette distinction honorifique ou "distinction" tout court, qui curieusement signifie "différence" en anglais : on différencie, on sépare donc. On sépare les "méritants" des autres, soi-disant, "moins méritants". Quel monde…