mardi 27 mai 2008

La forme des arbres

(photographie par "les Amis du bois de Verrières", merci à eux)

Se laisser se perdre dans un bois, dans une forêt domaniale (ici celle de Verrières) est autrement plus imaginatif que de suivre un itinéraire balisé. L’imprégnation aux lieux prend alors un caractère envoûtant, car de ce mouvement de recul volontaire, se traduit une idée d’un transport sans aucune destination établie et sans même la perceptive d’un retour possible.

La forêt domaniale de Verrières est infiniment légère le matin très tôt (vers 9 h). Elle est aussi insolite si on prend la peine de percevoir des images à toutes les formes habituelles et presque élémentaires des arbres habillés de mille déguisements.

J’ai suivi l’étrange parcours d’un chêne balayé par la dernière tempête (celle de 1999) mais laissé tel quel par l’ONF et dont le tronc spongieux certainement colonisé par des milliers d’acariens, de fourmis, de chenilles, de vers et autres insectes, avait enfin été recouvert par de petits arbrisseaux lui donnant dès lors cette forme exorbitante d’une tête tortueuse aux cheveux géants et irréels.

Plus loin, une plante grimpante non identifiée (mais aux feuilles persistantes il m’a semblé) enroulait paresseusement et sans mutilation un jeune hêtre dans une danse paisible et chaude, l’un et l’autre étant de connivence dans une intimité extrême.


Je me diluais dans cette matinée immobile et silencieuse lorsque, au détour d’une route forestière, je crus discerner un groupe d’humains et presque aussitôt une déflagration et le vrombissement caractéristique et inquiétant d’une machine à tronçonner. L’art topiaire de l’ONF ! j’aperçus partout des branches brisées, entremêlées de feuillage fauché et l’air était saturé de vibrations chaudes et poussiéreuses…on suppliciait un arbre !


Je me perds en conjectures : est-il vraiment nécessaire de donner une forme aux arbres de nos forêts ? élaguer des platanes en ville pour leur donner un meilleur équilibre (leurs racines entrant en contact avec le bitume, le trottoir, la chaussée, etc.) ou pour réduire leur dimensions de peur de voir chuter leurs branches sur les piétons ou les voitures, est un procédé instinctivement «naturel» mais tout de même, agir de la sorte dans une forêt domaniale presque «sauvage» est un acte singulièrement agressif et symptomatique du manque d’harmonie que l’homme entretient avec sa nature primordiale. Dans cette période où s’épuisent les ressources naturelles, où se dévoilent aussi tous les dangers créés par le progrès supposé de l’homme sur l’environnement et de sa domination sur la nature, laissons un répit, laissons un répit à l’arbre, laissons à l’arbre la décision de prendre seul la forme qu’il décide.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Excellent ! très joli texte, très bonne analyse. Bravo monsieur.