jeudi 30 octobre 2008

La normalisation des instruments de recherche (1/5)

(la salle de lecture du Caran, image tirée du Guide du lecteur)

Lundi dernier (le 27 octobre) j’avais été sollicité par la DAF pour intervenir dans une formation sur la «normalisation des instruments de recherche». C’était un rappel de quelques règles d’analyse archivistique et de la typologie des instruments de recherche en somme. Je n’ai rien inventé, j’ai récupéré la grande partie de mon intervention sur la «Pratique archivistique française» ou sur l’«Abrégé d’Archivistique» édité par l’AAF.

Voici le plan que j’ai proposé :
  1. Présentation des éléments et des principes fondamentaux de rédaction d’une analyse archivistique.
  2. Définition d’une norme.
  3. ISAD (G) : Norme générale et internationale de description archivistique.
  4. ISAAR (CPF) : Norme internationale sur les notices d’autorité archivistiques relatives aux collectivités, aux personnes et aux familles.
  5. Principes généraux d’une description archivistique
  6. Typologie des instruments de recherche.

Tout cela sur Powerpoint (qui rend beaucoup service il faut l’avouer). Voici en style télégraphique l’essentiel de cette présentation.

Définition de la pièce
La pièce est la plus petite unité de description, indivisible à la fois matériellement et intellectuellement (feuillet simple ou double, plusieurs feuillets agrafés, cahier, registre…).
Une pièce est rarement isolée...

Définition du dossier
Ensemble de documents constitués soit organiquement par le producteur d’archives pour la conduite ou le traitement d'une affaire, soit par regroupement logique lors du classement dans le service d'archives.

Définition de l’instrument de recherche
Un instrument de recherche sert à décrire un ensemble de documents d’archives (forme et contenu) afin de les communiquer au public le plus large et avec la meilleure qualité de service possible. Un instrument de recherche est l’aboutissement logique du classement.

Instruments de recherche
C’est un outil papier ou informatisé qui énumère ou décrit un ensemble de documents d’archives
grande diversité : guides, inventaires, catalogues, registres, répertoires, index, registres des emplacements, etc. et la terminologie (= leur nom ) dépend de leur niveau de description.
Ce critère a été réaffirmé par la norme générale ou internationale de description archivistique du Conseil International des Archives = norme ISAD (G).

Définition de l’analyse archivistique
Étape essentielle de la description archivistique, qui consiste à présenter, sous une forme normalisée, concise et précise, les informations d'ordre historique et diplomatique contenues dans un document ou dans un ensemble de documents. Elle se fait dans le cadre du respect des fonds. Elle est inséparable de l’article dont elle décrit le contenu informatif.

Définition de l’article
Ensemble de pièces de même provenance, se rapportant à un même objet ou à une même affaire et dont l’importance matérielle n’excède pas la capacité d’une unité matérielle de conditionnement.
L’article constitue tout à la fois une unité (intellectuelle) de description et une unité (matérielle) pour la cotation, le rangement et la communication des documents d’archives. Chaque article est individualisé par une cote et une analyse. L’article peut se confondre avec une boîte, mais une boîte d’archives (conditionnement matériel) peut comporter plusieurs articles.

Au prochain billet, on expliquera l’analyse archivistique.

mercredi 22 octobre 2008

Les vols d'archives

Dans le numéro 162 de notre magazine mensuel «Culture-Communication» de septembre 2008, un article aux pages 18 et 19 est consacré aux «vols d’archives : les grandes affaires qui ont fait date» à lire d’urgence avant que le lien suivant ne disparaisse.

Il s’agit d’une communication rédigée par Florence Barreto pour l’avant colloque qui se tiendra aux Archives nationales de Roubaix les 20 et 21 novembre prochain sur les vols d'archives.

Voici un exemple de vandalisme tiré de cet article :

Et pas plus tard que la semaine dernière, nous avons été également confronté à ce genre de situation : des avis à donner pour des demandes de certificat d’exportation dont je me garderai bien de dévoiler les tenants et aboutissants puisque l’affaire suit son cours. Pour faire bref, nous avons émis un avis négatif à l’exportation d’une pièce d’archive (déjà vendue hélas) qui, après vérification, fait bien partie des archives publiques !

Et comme l’explique Florence Barreto dans son article « (…) aucune institution, aucun service d’archives n’est à l’abri de ce genre d’exactions». Et elle poursuit par le cas de l’affaire Rooney-Pierce : «en épluchant un catalogue de la maison de ventes Sotheby’sen 1996 un employé des Archives nationales tombe sur le dernier exemplaire du traité de Fontainebleau signé par Napoléon, un document exceptionnel qui aurait dû se trouver à l’abri dans les cartons des Archives nationales à Paris» (…). John William Rooney, historien enseignant à l’université de Milwaukee dans le Wisconsin, un habitué des services d’archives parisiens accusé de recel de biens provenant d’un vol»…et les deux hommes ont été arrêtés et condamnés en juin 2002.

Lisez cet article, il est passionnant !

Organisé par la direction des Archives de France aux Archives nationales du monde du travail à Roubaix, ce colloque européen sur le «Vol et trafic illicite d’archives» sera l’occasion d’appeler à une prise de conscience des services d’archives sur l’importance de la prévention et de réaffirmer l’importance des archives comme bien culturel-valeur marchande.

Une autre anecdote relatée par Florence Barreto «(…) le 12 juin 2002, un citoyen français domicilié à Lille, est arrêté en flagrant délit de vol aux Archives nationales belges. Grâce à ses aveux, près de 65 000 documents sont saisis chez un marchand de vieux papiers de Liège qui a joué le rôle de receleur. Une première expertise permet d’identifier un grand nombre de pièces provenant des archives publiques françaises. Rapidement informés, les services juridiques du ministère de la Culture français portent plainte le 4 juillet suivant. L’enquête montrera que le voleur fréquentait depuis vingt ans les services d’archives français sous couvert de recherches généalogiques. Sur la base d’une comparaison entre les documents manquants dans les différents services visités par le voleur et une liste des documents saisis, la justice belge décide de restituer 27 450 documents à la France, et plus de 30 000 autres aux Archives belges».

Édifiant !

Autre histoire : «(…) un lecteur assidu dans les services d’archives du Sud-Ouest, Christophe L*** est inscrit dans nombre d’entre eux dès 1981. Suspecté de vol dès 1995 suite à une demande d’exportation d’un manuscrit volé, il est arrêté aux Archives nationales à Paris le 18 octobre 1995 en flagrant délit de vol : il avait caché 5 documents d’archives dans la manche de sa veste. L’enquête a permis de démontrer qu’à partir de 1993, il ne semble se rendre dans un service d’archives que pour y commettre des vols pour le compte de grands collectionneurs privés. Trente d’entre eux ont recensé à ce jour des documents manquant à la suite de ses visites. Il procédait toujours de la même manière : pour tromper la vigilance du personnel des Archives, il consultait d’abord des documents utiles pour des recherches généalogiques ; ensuite il demandait presque uniquement des autographes et autres documents à valeur marchande. Il aurait ainsi volé et vendu dans toute la France plus de 2 000 documents».

Merci Florence Barreto. Rendez-vous donc 20 et 21 novembre prochain à Roubaix.


Jacques Villeglé


Les dernières expositions à Paris ces derniers jours : d’abord «Picasso et ses maîtres» au Grand-Palais, une pure merveille que de constater l'influence des «grands maîtres» comme Titien, Goya, Renoir ou Manet sur son œuvre. Il y a là près de 200 œuvres issues des collections françaises et étrangères, publiques et privées. C’est énorme et beau aussi. Chaque salle fait dialoguer l'œuvre de Picasso avec celles de ses «maîtres».

Ensuite Jacques Villeglé à Beaubourg, plus d'une centaine d'affiches lacérées à Paris, en province (le Sud-Ouest où il se réfugie plus tard) mais aussi en Espagne et en Argentine. Des affiches prélevées aux murs et sur lesquelles il n'intervient guère sauf pour les maroufler sur toile. Affiches colorées, figuratives, politiques, humoristiques affiches de publicité, qui seront plus tard maculées par des mains anonymes mais qu’il recompose ensuite au gré des couleurs et des formes. Une pure merveille. Un voyage à travers un espace urbain connu, quotidien et familier mais vu différemment et qui ravive notre mémoire de façon critique, mais aussi ludique. À voir donc.

Toujours à Beaubourg, j’ai beaucoup moins apprécié «Le Futurisme à Paris. Une avant-garde explosive» prétexte d’exposition à l’occasion du centenaire de la publication du Manifeste du Futurisme. Trop foisonnant et un tantinet désordonné! La scénographie ne suit pas. Les toiles semblent avoir été posées au hasard sans concept. Pourtant il y a du beau monde ! Des Braque, Delaunay, Duchamp, Léger, Malévitch, Picabia et même ce cher Picasso, mais je n’y suis resté que 10 minutes le temps de faire le tour sans m’attarder outre mesure…le «Futurisme» n’est-il pas un mouvement qui exalte la …vitesse (!).

lundi 20 octobre 2008

Suite de la loi n° 2008-696 du 15 juillet 2008 (2)

"Les Grands dépôts", AN - Paris

La semaine dernière, mon chef m’avait désigné comme représentant de la section pour présenter aux présidents de salles (des inventaires et de lecture) quelques exemples de modifications concrètes de la section du XIXe siècle de loi n° 2008-696 du 15 juillet 2008 qui a modifié le Livre II du Code du patrimoine (voir le précédent billet où j’expose en partie le cas des archives judiciaires). Voici la suite :

Pour les documents relatifs aux enquêtes réalisées par les services de la police judiciaire et pour les documents relatifs aux affaires portées devant les juridictions le nouveau délai est de 75 ans (au lieu de 100 ans) à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier (ou un délai de 25 ans à compter de la date du décès de l’intéressé (victime mais aussi accusé) si ce dernier délai est plus bref).

D’une manière générale les AN ne conservent pas les dossiers de procédure (conservés aux AD de la cour d’appel) et «les fonds judiciaires» se limitent à de la correspondance, des imprimés (journaux…), donc immédiatement communicables.

Mais les dossiers de la division criminelle contiennent souvent des pièces de l'instruction, des actes d'accusation, des extraits de casier judiciaire et autres pièces de procédure.

- pièces de forme : mandats, invitations, citations, procès-verbal de recherche infructueuse ou d'arrestation, réquisitions et bulletins de translation, lettres d'envoi, notes de frais, ordonnances de nomination d'experts, prestations de serments...
- pièces d’information : plaintes, dénonciations, procès-verbaux (gendarmerie, police), interrogatoire, dépositions de témoins, plans, rapports d'experts, état des pièces de conviction, état des frais, liste des témoins.
- acte d'accusation (généralement au parquet de la cour d'appel) : identité de l'accusé et exposé des faits incriminés, résumé du crime et de ses circonstances.
- pièces de la cour d'assises : liste des jurés, des témoins, arrêt (de condamnation ou acquittement), procès-verbal des séances.
….
Pour le cas des dossiers de personnel on constante de grandes inégalités de traitement entre les personnes concernées. J’ai cité un exemple trouvé sur internet (mais dont j’ai hélas perdu les références), l’exemple est très pertinent : prenons le cas de deux personnes du même âge qui entrent la même année au ministère de l’Instruction publique : la première y fait toute sa carrière et part à la retraite à 65 ans. Son dossier sera communicable au plus tôt 115 ans après sa naissance; la deuxième reste quelques années à l’Éducation nationale et, mal notée, démissionne à 30 ans. Son dossier deviendrait communicable 50 ans après sa démission (dernière pièce du dossier), soit 80 ans après sa naissance, alors qu’elle est toujours en vie…

Pour les mêmes personnes et en tenant en compte leur dossier médical : si la première décède dans l’année qui suit sa mise à la retraite, son dossier deviendra communicable 25 ans après, soit 91 ans après sa naissance et si la deuxième meurt à 90 ans son dossier deviendra communicable 115 ans après sa naissance…donc inégalité de traitement entre les personnes concernées.

Les dossiers de carrière des fonctionnaires de l’Instruction publique jusqu’en 1957 ont été libérés dans le système Caran (soit jusqu’à la cote F/17/26945) et pour le Rectorat de Paris (AJ/16), nous conservons des dossiers du personnel né avant 1915 (donc clôt dans les environs de 1975). Tout le fonds conservé sur le site de Paris pour l’École normale supérieure (61 AJ) a été libéré jusqu’à la cote 61 AJ/293 (ensuite, des groupes de cotes seront régulièrement libérés, etc.).

Les dossiers de naturalisation étaient communicables 60 ans à compter du décret et 30 ans à compter de la dernière date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier (arrêté du 11 juin 1998). Ce délai est aujourd’hui à partir de 50 ans (application du régime de principe sur la protection de la vie privée) ou de 100 ans (ou 25 ans à compter du décès de l’intéressé) pour les documents relatifs à l’intimité de la vie sexuelle des personnes.

Pour finir, voici un exemple de document qui porte précisément sur une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique facilement identifiable et qui peut lui porter préjudice : il s’agit d’une pièce de 1964 trouvée dans un dossier de naturalisation normalement clôt en 1929. Pour des raisons administratives, le ministère de la Justice demande au préfet des renseignements supplémentaires sur cette personne facilement identifiable et on voit ici…(commentaire de la diapositive)….

Cette notion d’appréciation ou de jugement de valeur apparaît effectivement floue et il apparaît clairement de faire preuve de souplesse et de pragmatisme, et de n’appliquer un délai de 50 ans que si, effectivement, le document demandé en communication porte un jugement subjectif réellement très négatif, voire diffamatoire…

Voilà. Va falloir faire avec cette nouvelle loi …

vendredi 17 octobre 2008

Suite de la loi n° 2008-696 du 15 juillet 2008 (1)

(magasin dit "Napoléon" des AN- Paris)

Cette loi a modifié le Livre II du Code du patrimoine et elle est immédiatement applicable (la publication d’un décret n’est donc pas nécessaire). La semaine dernière, mon chef de service (qui est en fait une «chèfe») m’avait demandé de présenter aux présidents de salles (des inventaires et de lecture) quelques exemples de modifications concrètes de la section du XIXe siècle (j’ai pris ça comme un honneur, et je la remercie de la confiance qu’elle m’a accordée pour représenter la section).

Ce fut toutefois une courte présentation d’une vingtaine de minutes parce qu’il fallait passer après le représentant-archives de la CADA qui a expliqué (pendant près d’une heure) chaque point de la loi. La section du XXe siècle et du représentant des AN de Fontainebleau (pour les Archives contemporaines) ont pris la parole après moi et nous avons terminé par une séance de Q/R classique.

J’ai commencé par dire qu’en ce qui nous concerne, cela risque d’aller relativement vite puisque nous ne sommes ni la section du XXe siècle et encore moins Fontainebleau. Puis j’ai poursuivi par «cet été, de concert avec les conservateurs et documentalistes chargés des séries, nous avons passé en revue un certain nombre de documents et dossiers de la section du XIXe siècle dont la communication soulève un certain nombre de questions et met l’accent sur les ambiguïtés ou imprécisions juridiques du texte. Certains d’entre nous sommes même arrivés à la conclusion suivante : que normalement une loi est faite pour réduire les incertitudes, ici elle semble devoir les accroître comme on le constate dans les exemples suivants tirés des dossiers de personnel (qui sont fort nombreux dans notre section), des dossiers de naturalisation (dans une moindre mesure) et des fonds judiciaires.

Début de la présentation en Powerpoint.

Les fonds judiciaires des AN sont composés des archives du ministère de la Justice et celles des juridictions. Sur l’écran, les bureaux (à gauche), dans l’exercice de leurs missions et attributions, produisent les documents (à droite) dont la description a été simplifiée dans un souci évident de clarté...(suit une explication des différents types de documents produits).

Les dossiers de personnel (magistrats, justices de paix, tribunaux de commerce, officiers ministériels, notaires, exécuteurs criminels, médecins, chirurgiens et officiers de santé autorisés) forment une masse impressionnante de dossiers. Pour les dossiers de magistrats en BB/6(II) il existait un inventaire-index suffisamment détaillé de Barbiche-Poinsot sur lequel était indiquée la présence de pièces médicales, sur les milliers de dossiers seuls ceux-là ont été interdits….(je montre alors une petite dizaine de pages).

Par «sceau» on entend toute cette juridiction gracieuse de la direction des affaires civiles et du sceau chargé de l’instruction des demandes d’admissions à domicile, de réintégrations, de naturalisations, de changements de noms, de dispenses pour mariages, de titres, majorats, armoiries, etc.

En règle générale, pour les «affaires civiles», les règles de communication portent moins sur le fond que sur la forme des documents. La description des documents (qui vaut pour le civil et pour le pénal) fait ressortir des ensembles documentaires très importants: correspondance générale, ordonnances, décrets et arrêtés accordant les demandes (BB/24 ou 34), dossiers individuels de demandes (BB/11, BB/16, BB/18), fichiers alphabétiques permettant de retrouver un dossier individuel (fiches très friables simplement sanglées), états, matricules, registres (certains ont déjà été microfilmés), feuilles presque volantes (options des Alsaciens-Lorrains, BB/31). Le défaut de conditionnement adapté, l’usure des papiers et des reliures nous oblige à interdire la communication de certains articles (par ailleurs communicables sur le fond).

Pour les archives des juridictions, les tribunaux temporaires de la période révolutionnaire : juridictions jugeant des affaires de droit commun (tribunaux criminels provisoires de Paris) ou juridictions d’exception de caractère politique (criminel du 17 août 1792, tribunaux révolutionnaires) ou juridictions spéciales (conseils militaires compétents pour les militaires) ne posent pas de problème de communication (sauf état matériel bien évidemment).

Pareil pour les Hautes Cours sont des juridictions d’exception répressives, de caractère politique. La compétence des Hautes Cours a été définie en raison de la qualité ou des fonctions des personnes ou de la nature des affaires (ministres, pairs, attentats contre la sûreté de l’État, contre le Chef de l’État)….

Et pareil pour la Cour de Cassation dont la grande majorité des documents est à Fontainebleau ? Pour le Conseil d’État, à l’exception des dossiers d’affaires ou du concourt de l’auditorat, tout est communicable (et le reste est géré par la section du XXe siècle).

Pour les documents de la justice pénale nous avons feuilleté tous les tous les inventaires de Chaumié et Le Moël (BB/18, dossiers chronologiques et dossiers banaux), page par page et dossier par dossier. Pour ceux dont l’analyse posait un problème d’interprétation, nous avons ouvert le carton correspondant et vérifié si le dossier contenait ou non des documents concernant un mineur ou portant sur l’intimité de la vie sexuelle des personnes.

Par «dossiers individuels» on n’entend pas «dossiers d’instruction des affaires», mais de la correspondance de la division criminelle du ministère de la Justice avec les procureurs généraux pour l’exercice de l’action publique à l’égard des crimes et délits Les dossiers d’instruction des affaires doivent être recherchés dans les fonds des juridictions, versés aux Archives départementales. Pour le moment, à ces dossiers d’action publique, la politique de notre section consiste à appliquer le délai de 75 ans quitte à débloquer au fur et à mesure à 50 ans selon le contenu réel des dossiers lorsque l’intitulé se révèle imprécis ou incomplet.

Nous avons procédé de même pour les dossiers grâces et sur les milliers de dossiers seuls ceux-là ont été interdits….(le tout tient en une page !).

Un peu trop long…dans un prochain billet, on verra le cas des documents relatifs aux enquêtes réalisées par les services de la police judiciaire et à ceux portés devant les juridictions ainsi que les dossiers de personnel.

mardi 14 octobre 2008

Je suis le directeur des Archives nationales


Usurpation de titre mais pas n’importe lequel : celui du directeur des Archives nationales !

Le 4 mars 1912 le ministre de l’Instruction publique [les Archives nationales étaient alors rattachées à ce ministère] envoie à son homologue de la Justice, cette lettre :

« (…) j’ai l’honneur de porter à votre connaissance les faits suivants (….) :

À la date du 10 juillet 1908, un généalogiste parisien, se qualifiant archiviste-expert, M. Paul Bugnot, dit Bugnot de Bunode, et demeurant 30 quai d’Orléans, s’est substitué au Directeur des Archives nationales pour délivrer à M. O. –L. Scrive, industriel à Lille, une expédition sur papier timbré et certifiée conforme à l’original, d’un document des Archives nationales concernant l’anoblissement d’un négociant-armateur dunkerquois du XVIIIe siècle, Jean-Louis Briansiaux de Milleville.

(…) ces expéditions doivent être en outre scellées du sceau des Archives ainsi qu’il est prescrit par l’article 6 du décret du 22 mars 1856 [on en apprend tous les jours !], et ne peuvent être remises aux intéressés qu’après règlement définitif des droits, etc. (…).

L’administration des Archives nationales a été mise au courant de cette affaire par M. Scrive lui-même qui est venu au Palais Soubise pour s’assurer que le document concernant Jean-Louis Briansiaux de Milleville y était bien conservé (et il s’y trouve en triple exemplaire sous les cotes P 2597, X1a 8777 et Z1a 610), etc. (….)».

Suit ensuite un échange de correspondance entre le parquet [de la cour d’appel de Paris] et le ministère de la Justice (BB/18/2487, dossier 893A12) et il semblerait (mais les pièces contenues dans le dossier ne permettent pas de l’affirmer si l’affaire s’est poursuivie ou non au pénal) qu’on ne peut reprocher au sieur Bugnot sa fausse qualité : «il s’est borné à recopier des archives qu’il a certifié conformes sous sa simple garantie et n’a jamais entendu livrer des titres ayant valeur juridique quelconque ».

Le directeur des Archives nationales appréciera !


samedi 11 octobre 2008

BB/19


BB/19 qui comporte environ 200 articles pour 20,10 m.l. s’intitule pompeusement Cour de cassation mais cette sous-série comporte essentiellement des expéditions au ministre de la Justice d'arrêts rendus par la Cour de cassation, de lettres de procureurs généraux sur des incendies entre 1846 et 1857 ou des troubles causés par la disette entre 1846 et 1847, etc., et curieusement, à la suite de ce groupe documentaire, ont été classés les papiers de «l'Affaire Dreyfus» versés en mai 1933 par les archives du ministère de la Justice où ils étaient conservés (lire la partie «présentation du contenu»).

Dates extrêmes : 1791-1906
Conditions d’accès : librement communicable (sauf les plaques de verre).
Noms des producteurs : ministère de la Justice et Cour de cassation.

Histoire des producteurs :
La Cour de cassation est en partie l’héritière de la formation du Conseil du roi appelée Conseil des parties ou Conseil privé. En remplacement de ce Conseil, la loi du 27 novembre-1er décembre 1790 a institué, en effet, un Tribunal de cassation auprès de l’Assemblée nationale, chargé de se prononcer sur les demandes en cassation contre les jugements en dernier ressort des juridictions. Il était compétent, en outre, en matière de demandes de renvoi d’un tribunal à un autre pour cause de suspicion légitime, en matière de conflits de juridiction et de règlements de juges. Mais, en aucun cas, il ne pouvait connaître du fond des affaires : après cassation du jugement attaqué le cas échéant, il renvoyait l’affaire à un autre tribunal. Dans son organisation interne, le Tribunal de cassation comprenait un bureau des requêtes, chargé d’examiner si les requêtes en cassation étaient admissibles, et une section de cassation. Tels sont les principes fondateurs du Tribunal de cassation qui existent encore en partie actuellement.

La chute de la Monarchie constitutionnelle renforça la dépendance du Tribunal de cassation par rapport à l’Assemblée nationale ; les jugements des juridictions d’exception de caractère politique comme le Tribunal du 17 août 1792 ou le Tribunal révolutionnaire ne furent pas susceptibles de cassation. Avant de se séparer la Convention thermidorienne réorganisa le Tribunal de cassation par la loi du 2 brumaire an IV et le divisa en trois sections : la première section reprenait les attributions de l’ancien bureau des requêtes ; des deux autres sections, la troisième était chargée exclusivement et sans examen préalable d’admission, des demandes en cassation en matière criminelle, correctionnelle et de police.

La compétence et l’organisation du Tribunal de cassation en section des requêtes, section civile et section criminelle furent précisées par la constitution du 22 frimaire an VIII et la loi du 27 ventôse an VIII. Par cette dernière, la section civile fut chargée de l’instruction des excès de pouvoir ou des délits commis par les juges dans l’exercice de leurs fonctions : il subsiste quelques traces de cette activité dans les fonds décrits ci-dessous. Elle disparut sous cette forme avec le décret du 20 avril 1810. Mais le sénatus-consulte du 16 thermidor an X avait attribué au Tribunal de cassation un pouvoir disciplinaire sur les juges, précisé par ce décret du 20 avril 1810. Cette compétence fut élargie par la loi du 30 août 1883 qui érigea la Cour de cassation en Conseil supérieur de la magistrature. La Constitution de 1946 lui a fait perdre ces fonctions.

Les Constituants avaient établi le Tribunal de cassation auprès du Pouvoir législatif ; le sénatus-consulte du 16 thermidor an X et celui du 28 floréal an XII le placèrent définitivement au sommet de la hiérarchie judiciaire, après le ministre de la Justice.

C’est par ce sénatus-consulte de l’an XII, organisant l’Empire, que le Tribunal de cassation prit la dénomination de «Cour de cassation», tandis que ses jugements s’intitulaient désormais «arrêts». Son président devenait «premier président» et les vice-présidents de sections, «présidents». Mais les juges n’eurent le titre de «conseiller» que par le décret du 20 avril 1810. L’appellation «chambre» au lieu de «section» remonte à l’ordonnance du 15 janvier 1826 portant règlement pour le service de la Cour de cassation.

Cette organisation de la Cour de cassation en trois chambres resta inchangée jusqu’en 1938 ; à cette date, en effet, fut créée une quatrième chambre, la chambre sociale (décret-loi du 17 juin 1938). L’adaptation de la Cour de cassation à l’évolution du nombre et de la nature des affaires fut poursuivie par la loi du 23 juillet 1947 et d’autres textes postérieurs. Actuellement, la Cour de cassation comprend trois chambres civiles, une chambre commerciale, une chambre sociale et une chambre criminelle.

Histoire de la conservation :
Installée au Palais de justice de Paris depuis l’an III, la Cour de cassation souffrit de l’incendie de celui-ci en mai 1871. Mais ses archives échappèrent à une destruction complète ; il en subsiste une partie assez importante pour la période antérieure à 1871. La majeure partie de cette sous-série provient des versements du ministère de la Justice des 16 juin 1858, 25 mai 1866, 31 mai 1933, mais aussi des Archives nationales - site de Fontainebleau (certains dossiers de l’affaire Dreyfus versés par la Cour de cassation en mars 1952 avaient été retournés à la Cour pour un complément d’information puis à nouveau reversés aux Archives nationales - site de Fontainebleauen 1996 qui les a, à son tour, remis au centre parisien : le carton BB/19/197 provient ainsi d’un versement du 18 mars 2004).

Présentation du contenu :
Cette sous-série comporte principalement les expéditions au ministre de la Justice d'arrêts rendus par la Cour de cassation de 1851 à 1860 et de lettres de procureurs généraux signalant des incendies dans le ressort de la cour pour la période comprise entre 1846 et 1857 ou les troubles causés par la disette entre 1846 et 1847.

Le versement de 1866 a fourni 24 registres d'enregistrement d'arrêts de la Cour de cassation, de 1823 à 1853 (avec une lacune pour les années 1838 à 1841). À la suite de ces registres ont été classés les papiers de «l'Affaire Dreyfus» remis en mai 1933 par les archives du ministère de la Justice où ils étaient conservés, dans les greniers de l'Hôtel de la place Vendôme, en quatre sacs plombés : ces documents constituaient les dossiers mêmes qui avaient été soumis à la Chambre criminelle de la Cour de cassation en vue de la révision du procès.

Pour la commodité du classement, les 26 paquets déposés par le ministère ont été répartis en 62 liasses ; autant que possible l'origine des dossiers ainsi constitués a été notée (Conseil de guerre, gouvernement militaire de Paris, ministère de la Guerre, enquêtes concernant Picquart, Esterhazy ou Dreyfus).

Sources complémentaires :
Autre(s) partie(s) du même fonds : Archives nationales (Paris) : 6 articles du fonds de la Cour de Cassation sont conservés dans la série AM (AM/1-6) et c’est aux Archives nationales (Fontainebleau) que l’essentiel des archives versées par la Cour de cassation sont conservées.
Archives d’autres producteurs en relation : les fonds des cours d’appel sont conservés dans la série U des Archives départementales.

État sommaire :

BB/19/1 à 6. Jugements imprimés du Tribunal de cassation ; envois, par le ministre de la Justice au tribunal de cassation, de requêtes en cassation. 1791-an III.

BB/19/7 et 8. Rapports des procureurs généraux au ministre de la Justice signalant des incendies dans le ressort des cours (classement par cour). 1846-1848.

BB/19/9 à 282. Arrêts de la Cour de cassation envoyés au ministre de la Justice 1851-1874.
BB/19/29 à 36. Incendies : rapports des procureurs généraux au ministre de la Justice, notes et statistiques. 1848-1857.

BB/19/37 à 42. Correspondance des procureurs généraux au sujet des troubles causés par la disette des vivres (classement par cour). 1846-1847.

BB/19/43. Extraits imprimés d'arrêts des cours de justice criminelle et des cours d'assises. 1809-1820.

BB/19*/44 à 67. Enregistrement, au ministère de la Justice, des arrêts de la Cour de cassation. 1823-1853.

BB/19/68 à 191. Affaire Dreyfus : dossiers des juridictions militaires, de la Cour de Cassation, papiers saisis au domicile de Dreyfus en 1894. 1875-1906.

BB/19/192 à 197. Affaire Dreyfus : dossiers des juridictions militaires, tirages photographiques et rapports d’expertise de Bertillon. 1889-1899.

mardi 7 octobre 2008

Souvenir de 1870


Les dossiers de demandes de la Légion d'honneur (LH/3185 à 3267) sont décidément remarquables : j'avais déjà évoqué le cas de ces "souvenirs" (sorte de récit d'un fait marquant de la guerre vécu par un soldat, voir notre billet sur Je retire ma demande).

Voici un souvenir "poétique" de la bataille de Gravelotte par Jean-Fernand Bourit, ancien militaire puis négociant à Chevanceaux (auj. Charente-Maritime), dossier dans LH/3197.

"Souvenir de 1870
Borny, Gravelotte, Saint-Privat la Montagne

Ceux qui pieusement sont morts pour la patrie
Ont droit qu'à leur cercueil la foule vienne et prie

Les anciens soldats aujourd'hui vivants
Qui étaient comme eux combattants
À Borny, Gravelotte, Saint-Privat, Moselle
Terribles combats, terre immobile
Dans ces jours cette charmante armée
S'élançait gaie enthousiasmée

Chantant, combattait vers le Rhin
Animée, fière de ses forces d'airain
Borny, Gravelotte, la France est victorieuse
La charge sonne, elle marche en avant
À Rezonville tout est triomphant
Présage d'une victoire radieuse.

Sur ce sommet où nous étions en tirailleurs
Des frères étaient en éclaireurs
Des Prussiens vinrent à nous
Ils tombaient sous nos coups.

Tout à coup vers Gaze le canon résonne
La première salve n'atteint personne

Tôt après le mitraille gronde
Balles, boulets, obus, la course furibonde
Fait trouée dans nos rangs
Huit sont blessés presque mourants

Au cri de couchez-vous !
Tous à plat ventre sur le sol
Le sac sur la tête comme un parasol
D'autres expiraient à genoux

Une heure sur ce champ meurtrier
Où pleuvait fer, bronze, acier
La fumée comme un nuage sombre
Vous couvrit, s'abaissant, fit ombre

On partit par ordre du commandement
Prendre place respective au régiment
Les derniers rayons du soleil couchant
Tombaient sur des blessés agonisants"

etc, etc.

Ancien sergent-major au 12e régiment d'infanterie de ligne puis sous-officier instructeur des Douanes, notre Jean-Fernand Bourit a-t-il obtenu sa Légion d'honneur ?

Non. La commission réunie le 23 décembre 1902 décide que celui-ci ne peut se porter candidat que s'il invoque des titres (en clair, la commission juge ses titres insuffisants).

...pas étonnant qu'il n'y pas assez de poètes dans la Légion d'honneur.

lundi 6 octobre 2008

La base Quidam des Archives nationales (3)

(la nouvelle interface de consultation de Quidam sur le site intranet des AN-Paris)

Le 23 septembre dernier j’avais présenté notre base Quidam à des étudiants normaliens de l’école de Cachan. Dans un premier billet j’en étais resté à la nature des dossiers nominatifs, leurs moyens d’accès, d’hier à aujourd’hui. Voyons à présent comment on été constitués ces fichiers.

Ces fichiers de la base Dospers étaient constitués avec des logiciels divers, les uns sous Texto, les autres sous logiciels de bases de données : SDB, SDB3, mais avec un schéma commun, une grille d’analyse unique, plus ou moins renseignée selon le type de dossiers, mais comportant un noyau commun d’informations obligatoires et identiques : nom, prénom, date de naissance, fonction, date du dossier, cote et remarque, qui devait permettre de réunir en un ensemble des éléments aux contenus divers mais qui auraient reçu une structure de présentation homogène.

A partir de la base constituée, on pouvait procéder par tris et extractions à la réalisation des instruments de recherche, modulables au choix selon que l’on voulait disposer d’un inventaire strictement alphabétique, primordial pour faciliter la recherche des individus, ou d’un outil méthodique mettant en avant une information précise (les fonctions par exemple ou encore les noms géographiques).

Les groupes sont pour nous, concepteurs des bases, un moyen (un prétexte) de mettre en facteur en commun des objets semblables, car vous n’ignorez pas que les missions et attributions d’une entité administrative se modifient au cours de son existence (exp : attribution de la Médaille de la Reconnaissance française, BB/32, rattachée au min. Justice entre 1917 et 1923), etc.

  • Alto : Artistes lyriques et techniciens de l’Opéra (dossiers du personnel administratif, technique et artistique, Opéra, Opéra-comique, Théâtre italien, Conservatoire)
  • Chabert : Dossiers d’absents militaires (1845-1893)
  • Clémence : Dossiers de recours en grâce (XIXe- début XXe s.)
  • Émile : Dossiers d’étudiants (XIXe-XXe s.)
  • Escale : Dossiers d’Écrivains, SCientifiques, Artistes, Littérateurs et Explorateurs
  • Esculape : Dossiers de personnel médical (XIXe-1953)
  • Fournisseurs du roi : Dossiers de brevets des fournisseurs du roi (Restauration)
  • François : Fonctionnaires du ministère d’État ou de la Maison de l’Empereur (Second Empire)
  • Gutenberg : Dossiers de libraires et imprimeurs brevetés (1815-1870)
  • Hercule : Dossiers de personnel des travaux publics (XVIIIe-XXe s.)
  • Hermès : Dossiers de personnel des Postes et Télécommunications (XIXe-XXe s.)
  • Honoré : Dossiers de récompenses honorifiques ou de demandes de récompenses (XIXe-XXe s.)
  • Hortense : Dossiers de personnel du ministère de l’Agriculture
  • Mécène : Dossiers d’encouragement aux Beaux-Arts (XIXe s.)
  • Mercure : Dossiers de personnel du ministère du Commerce et de l’Industrie.
  • Nat : Dossiers de demandes de naturalisation, changements de nom, titres , majorats
  • Orphée : Dossiers de chansonniers
  • Pandore : Dossiers de fonctionnaires de police
  • Renaudot : Dossiers de fonctionnaires du bureau de la presse (Second Empire)
  • Romain : Dossiers d’administrateurs (personnel de ministère de l’Intérieur) (XIXe-XXe s.)
  • Salomon : Dossiers de magistrats (personnel de ministère de la Justice) (XIXe-XXe s.)
  • Sorbon : Dossiers du personnel scientifique et administratif de l’Académie de Paris (1870-1940)
  • Théophile : Dossiers de personnel ecclésiastique ou assimilé (XIXe-XXe s.)
  • Vidocq : Dossiers de surveillance par la police (XIXe-XXe s.)
  • Vincent : Dossiers de secours aux anciens colons de Saint-Domingue (an VII-1880)
  • Zeus : Dossiers de procédure des tribunaux ordinaires de la Révolution.

(ici un exemple de recherche) : une demande d’autorisation d’exercice de la médecine de 1838 concerne un Victor Morpurgo, docteur en médecine et en chirurgie de l'université de Pise. Le groupe des naturalisations cite deux demandes au nom de Morpurgo. Enfin un dossier de Légion d’honneur signale un Jules de Morpurgo, né le 25 avril 1845 à Trieste en Autriche.

Une seule interrogation fournit donc des indices intéressants permettant de situer le personnage. Telle quelle, la base a atteint son objectif qui fait d’elle un outil performant pour une recherche nominative.

Sur l’image qui accompagne ce billet vous voyez la nouvelle interface de consultation de Quidam (parmi d’autres bases). Pour le moment celle-ci n’est consultable qu’en salle des inventaires et sur notre Intranet. On attend le visa de la CNIL pour la basculer sur l’Internet.

vendredi 3 octobre 2008

La base Quidam des Archives nationales (2)


Le 23 septembre dernier j’avais présenté notre base Quidam à des étudiants normaliens de l’école de Cachan. Dans un premier billet j’en étais resté à la genèse et à la version originelle de Quidam que le regretté Patrick Laharie, dont nous saluons le souvenir, avait élaboré sur le Word classique de Microsoft et qui nous sert encore aujourd’hui ! Examinons à présent la nature des dossiers nominatifs, leurs moyens d’accès, d’hier à aujourd’hui.

En général, les dossiers nominatifs fournissent des renseignements sur les individus soit d’une manière individuelle soit groupés en ensembles homogènes, c’est-à-dire produits par un service dans l’exercice d’une compétence administrative propre.

Ils peuvent répartis en plusieurs catégories : dossiers de personnel, les plus nombreux : il s ’agit principalement des dossiers de carrière établis par le service gestionnaire du personnel, qui prennent en compte la carrière de l’agent dans toute sa durée (contrairement aux dossiers départementaux qui correspondent à la durée d’exercice dans le département). On les trouve pour les fonctionnaires de toutes les administrations. S’y ajoutent les dossiers de pension, ouverts à la cessation de fonction, dans les formes établies par la loi du 9 juin 1853 sur les pensions (cette loi organise le système des pensions des fonctionnaires, jusqu’alors régi par la loi du 22 août 1790 et le décret du 13 septembre 1806, dont les dispositions devaient rester applicables aux ministres secrétaires d’État, aux sous-secrétaires d’État, aux membres du Conseil d’État, aux préfets et sous-préfets), et qui complètent utilement les dossiers de carrière en apportant notamment des informations sur les états de services et sur l’état civil des épouses, mais, par définition, ils n’existent pas forcément pour tous les agents. Pour certaines administrations, la Justice en particulier, il existe aussi des dossiers de mouvement, ouverts à chaque mutation.

Dossiers de décorations, récompenses, indemnités
Ce ne sont pas des demandes et sollicitations présentées par des individus, en leur nom ou pour des tiers, mais des dossiers d’attribution dans lesquels se distinguent deux catégories : les propositions de décoration, récompense ou indemnité établies par les ministères (très riches d’informations sur la société civile). Ce sont aussi les dossiers établis par le service gestionnaire de la décoration ou de l’indemnisation (la Grande chancellerie de la Légion d’honneur par exemple, ou le ministère de l’Intérieur pour les victimes de 1830, de 1848, des inondations de 1856…).

Dossiers de demandes
Les demandes relevant du pouvoir discrétionnaire du chef de l’État et du gouvernement, telles que les recours en grâce et les demandes de naturalisation, constituent une catégorie juridiquement définie et bien identifiée ; on peut y ajouter les pétitions adressées aux assemblées, au chef de l’Exécutif, aux ministres, demandes de secours, de places..

Dossiers d’affaires
Affaires individuelles relevant directement de la compétence des administrations nationales ou évoqué par l’échelon central, à titre d'exemples :

Cultes : dossiers de démission de prêtrise;demandes de réconciliation avec l’Église, 1801-1808; eaux arts : demandes de commandes de l’État par artistes;Instruction publique:demandes d’autorisation de faire des cours publics ;Police : dossiers d’affaires politiques (réfugiés espagnols 1822-1835);Travaux publics:demandes de permissions d’usines (métallurgiques), d’autorisation de permis de navigation (bateaux à vapeur), etc.


Les différentes données de Quidam proviennent donc directement de la saisie des informations de ces différents types de dossiers qui permettent de remplir la grille d’analyse unique vue précédemment (…les différents « champs » : noms, prénoms, etc.).

Le rapport d’activité de 1993 signalent l’existence d’une toute première base Dospers (dossiers personnels) de 48000 unités documentaires regroupant des dossiers :
  • de conducteurs des Ponts et chaussées,
  • d’étudiants en médecine, de sages-femmes,
  • de magistrats,
  • de fournisseurs de la Cour
  • des personnels du ministère de l’Agriculture,
  • des préfets, sous-préfets et conseillers de préfecture…
Dans un autre billet on verra quel logiciel avait été utilisé pour constituer ces fichiers et les noms donnés à ces groupes de fichiers, noms qui ne tiennent pas compte de leur provenance mais au mieux à une mise en facteur commun de types de documents…

jeudi 2 octobre 2008

La base Quidam des Archives nationales (1)


Le 23 septembre dernier j’ai présenté notre base Quidam à des étudiants normaliens de l’école de Cachan. Voici cette présentation abrégée et sans trop d’images évidemment.

Les Archives nationales (AN) conservent dans les séries documentaires du XIXe siècle un nombre impressionnant de documents à caractères individuels (dossiers, fiches, matricules, états, etc.) créés par l’administration de l’État dans l’exercice de ses missions et de ses attributions.
………….…

Les dossiers individuels se créent tous les jours : en ce moment même, vous complétez votre dossier d’étudiant qui sera sans doute versé aux AN à la fin de votre scolarité dans la rubrique «copies d ’élèves»…le dossier de carrière de votre enseignant ici présent sera également versé aux AN et sera consultable par ses descendants d’ici quelques années.

………….....
Les premiers dossiers de carrière se constituent sous l’Empire.
Les dossiers de mouvement (ceux des magistrats, des juges de paix par exemple) naissent en 1803.
Les dossiers individuels de l’administration préfectorale en 1810 et dès 1808 un embryon de dossier est constitué pour les fonctionnaires de l’Université impériale.
Ces dossiers marquent une volonté d’établir un cadre durable de renseignement qui remplace les demandes ponctuelles effectuées jusque là sous forme de registres ou d’états qui ont été toutefois conservés en parallèle.

…………….
C’est ainsi que les Archives nationales conservent sur le site parisien quelque 2 km linéaires (sur une centaine au total) de dossiers de carrière, plus de 700 000 dossiers de naturalisation, 200000 dossiers de LH, 120000 dossiers de professeurs dans la sous-série F/17 Instruction publique, etc. qui ont fait tous ou qui font actuellement l’objet de bases de données plus ou moins détaillées par la section du XIXe siècle...

Mais la section du XIXe siècle n’a pas le monopole des bases de données. D’autres sections des Archives nationales avaient, dès les années 80, élaborés des bases de données en vue d’un dépouillement nominatif, topographique ou autre (la base Courdo et Delvoir pour les cours d’eaux et les délimitations des communes et des voiries par exemple).

La section ancienne notamment avait, dès les années 80, achevé la base Prof qui recense les provisions d’offices du XVIIIe siècle, le Minutier central des notaires parisien avait dépouillé les minutes des années 1551, 1751, 1761 et 1851 et l’index de l’État général des fonds baptisé Egérie était consultable au Caran dans les années ‘90.

………………
Dans cet exemple (ici logiquement je montre une diapositive) et sur le site des Archives nationales donc, seules les bases Nat et de Leonore sont des bases nominatives pour la période du XIXe siècle stricto sensu (le reste concerne le XVIIIe, des renseignements sur les notaires parisiens, une banque d’images, etc.).

Or depuis quelques décennies, le document à caractère individuel intéresse aussi bien la généalogie que la recherche en histoires des familles au sens large, la biographie et le droit, l’histoire de l’administration ou celle de la société. On le constate dans les rapports annuels de la DAF.

…………....
En plus des raisons évoquées précédemment sur l’intérêt que suscite le document à caractère individuel sur les chercheurs et généalogistes, on a constaté à partir des années ‘ 85 les progrès de l’informatique documentaire.

Les progrès de l’informatique documentaire ont en effet permis, au début des années 1990 d’imaginer sous un autre angle les centaines de milliers de fiches manuscrites, les centaines de pages dactylographiées accumulées.

Ainsi est née l’idée d’une base de données informatisée, susceptibles de fédérer et de croiser entre elles des bases nominatives diverses. Baptisée Quidam, elle a été conçue par un documentaliste de génie, aujourd'hui disparu, Patrick Laharie, pour une meilleure prise en compte des besoins de recherche tant des archivistes que des chercheurs.

Ce public s’avérait de plus en plus consommateur de dossiers nominatifs, tant pour les recherches familiales et généalogiques que pour des travaux d’histoire et des études de prosopographie. La section du XIXe siècle, très sollicité, comme on le voit, prit rapidement conscience de la montée de cette demande et fit le constat des difficultés issues de la situation : dégâts sur les documents (les fichiers nominatifs : ici diapo. suivante). Ajouter à cela la contribution du personnel pour le repérage et la consultation de dossiers individuels qui étaient pour les lecteurs souvent difficiles et parfois impossibles à repérer faute d’instruments de recherche efficaces.

Il importait donc de trouver des solutions.

Les réflexions communes des uns et des autres ont abouti à l’idée de constituer à terme une base de données cumulative et en utilisant les moyens bureautiques qui se mettaient en place, dans la continuité du travail fait pour la base Léonore constituée dans les années ‘ 80.

Mais avant de présenter la genèse puis la version actuelle de Quidam, examinons son objet, définissons la nature des dossiers nominatifs, leurs moyens d’accès, d’hier à aujourd’hui….

(bon là ça devient trop long, prochain épisode dans un autre billet).

mercredi 1 octobre 2008

Nicolas Dumontheuil


Big Foot, en trois volumes, aux éditions Futoropolis. Voici une bédé à lire un samedi soir.

Poétique à souhait, tendre et touchante, cette libre adaptation d’un roman américain nous ramène à nos vieilles histoires d’indiens, mais ici ils sont attachants et non plus sanguinaires tels qu’on nous l’avait bassiné à travers les films des mêmes colons américains qui les avaient massacrés au XIXe siècle.

Nous sommes en 1903, les Indiens sont parqués dans leurs réserves, tous ? sauf la vieille «mémé» et son petit-fils de métis qui refuse son origine indienne. De surcroît, il sent la sueur et transpire à grosses gouttes, les Indiens le surnomment «l’homme qui transpire beaucoup». Son pote a la manie de tout compter : les arbres, les feuilles des arbres, les macabées, des oiseaux dans le ciel (on vous avait dit que c’était poétique à souhait). Mais tous deux sont des tueurs. Zeb et Ned.

Ils rencontrent une (puis deux) jumelle(s) traquées par les chasseurs de prime dont un gros hyper nerveux dont j’ai oublié le nom. C’est avec ces sœurs Hawkline dont Magic Child qu’ils vont traquer le Big Foot, un monstre terrifiant qui terrorise la population.

J’avais déjà apprécié Nicolas Dumontheuil dans la «Mort d’un idiot» et le «Roi cassé» mais ici il me bluffe franchement : le scénario est bien ficelé, les dialogues sont bourrés d’humour, l’histoire est dynamique en raison des chapitres courts (au maximum 5 à 6 pages) et on peut donc s’arrêter pour souffler un peu car malgré tout, il y a pas mal de morts dans cette histoire, mais des morts presque sympathiques dans des paysages et décors presque éthérés, ajoutez à cela un dessin dynamique et des coloris bien choisis dans un jaunâtre et verdâtre savamment mêlés pour vous aider à passer un moment agréable, à voyager et à rêver.