vendredi 20 juin 2008

Un chansonnier limousin ou une croix à tout prix


Dans les dossiers de demandes de la croix de la Légion d’honneur, cette sublime lettre d’Auguste Bastier, ancien soldat et se disant chansonnier limousin, au président de la République, en date du 4 décembre 1895 (LH/3191).

«Depuis longtemps j’attends la croix de la Légion d’honneur, elle a été demandée par les journaux de Limoges, les ouvriers veulent faire des pétitions, je ne vois pas l’utilité d’employer ce moyen [ben voyons !].

Je me recommande tout simplement à vous monsieur le Président.
(…)
Dans la douce conviction que vous voudrez bien faire droit à ma demande. Je dépose à vos pieds monsieur le Président mes hommages les plus sincères et les plus respectueux.
(…)
Veuillez je vous prie monsieur le Président m’honorer d’une réponse favorable, etc.

[et pour finir]
répondez-moi oui ou non, vous êtes le chef supérieur de la France

[et on signe…] Auguste Bastier, poète et chansonnier limousin, barde du 71e des mobiles, consécrateur des grandes actions gouvernementales, générales et municipales de la France, etc.

[et pour preuve, on envoie une chanson sur l’air de la Marseillaise et intitulée «La rue Pétiniaud Beaupeyrat», j’ai vérifié, cette rue existe encore de nos jours]

1er couplet

La rue Pétiniaud Beaupeyrat à Limoges
Porte le nom d’un grand savant
Qui a fait parler jusqu’aux Vosges
À Paris et au Vatican (bis)

C’était un grand propriétaire
Dévoué à tous les habitants
Il a administré longtemps
Notre ville en qualité de maire

(refrain)

Il a tout sacrifié
Par son grand dévouement
Son or (bis) et son argent
Qu’il soit donc apprécié

2e couplet

Notre ville était sans ressources
Sans crédit, sans grain, sans argent
De Beaupeyrat ouvrit sa bourse
etc., etc.»

L’histoire retiendra de lui qu’il n’a, hélas, pas obtenu sa croix de la Légion d’honneur…

juin, fin

sur des cailloux on a semé des chiffons
chiffons de soie à la vie éphémère
mais sans cesse renouvelée
au jardin naissant
taches cramoisies coulant sur une allée
autant de sagesse pour orner un buisson ardent : voici le ciste

enchevêtrement de doigts gourmands
et odorants
éclat de blanc
éclat de crème aromatique
des écailles audacieuses se déchirent sans remords
et le ciel peut attendre : voici la myrte

jeudi 19 juin 2008

L’anthropométrie judiciaire et le vol de la Joconde par Perrugia

Le rôle d’Alphonse Bertillon (né en 1853) dans l’identification des criminels supposés et la modernisation des pratiques policières (création de fiches signalétiques, etc., c’est-à-dire tout un ensemble de techniques policières plus connu sous le terme de «anthropométrie judiciaire»), est reconnu. Il reste le fondateur de la police scientifique telle que nous connaissons aujourd’hui par ses procédés d'identification des criminels qui utilise toute la technologie de cette époque (photographie par exemple) ou par un appareillage spécialement mis en place pour l’occasion (compas et toise pour évaluer la taille du cerveau, encreur pour la prise d'empreintes digitales, etc.).

L'anthropométrie fut ensuite utilisée dans tous les établissements pénitentiaires afin que chaque détenu soit fiché selon son état-civil, la nature et la durée de la peine, mais aussi selon sa morphologie : on a ainsi mesuré la taille, la largeur du crâne, l’oreille droite, le nez, les doigts, le pied gauche, l’envergure, évaluer la forme du buste, noter la couleur des yeux, le port de la barbe, du bouc ou de la moustache, noter aussi la présence de signes distinctifs tels les cicatrices, etc.).

Pourtant ce service a failli dans l’affaire spectaculaire du vol du tableau le plus célèbre du monde par Vincent-Pierre Perrugia (ou Perugia) le 21 août 1911 (la Joconde dérobée au Louvre a été retrouvé plus tard, en décembre 1913, lorsque notre Perrugia proposa de la revendre à un antiquaire).

Le 19 décembre 1913, dans une lettre adressée au garde des Sceaux, le député Georges Bureau demande à celui-ci la permission de le questionner publiquement à l’Assemblée nationale sur les mesures qu’il compte prendre pour assurer le bon fonctionnement du service anthropométrique et quelles instructions compte-t-il donner à la police afin qu’elle apporte plus de soin et de perspicacité dans ses investigations (dossier dans BB/18/2532).

Le garde des Sceaux se réfère alors à son procureur général pour obtenir les éléments à la réponse qu’il compte donner à l’Assemblée. Dans un rapport du 22 décembre 1913, le procureur général de Paris précise que le service anthropométrique dépend non pas du Parquet mais de la Préfecture de Police et explique ensuite la méthode utilisée pour la confection des fiches :

«Il [le service anthropométrique] mesure les épaules, hauteur et largeur, les dimensions et la conformation du crâne, l’écartement des yeux [ainsi] les empreintes de la main droite. En procédant ainsi, il a établi le chiffe énorme de 950000 fiches (…). Or, l’empreinte relevée sur la vitre [Perrugia était l'un des vitriers qui avait participé aux travaux de mise sous verre des tableaux dont la Joconde qu’il déroba donc] était celle d’un pouce de la main gauche. Par conséquent, avec ce seul élément, on ne pouvait pas consulter utilement les fiches puisqu’elles ne contiennent aucune empreinte de la main gauche».

On procéde alors (en janvier 1913) à la prise de l’empreinte du pouce de la main gauche de tous les gardiens, employés, fonctionnaires et ouvriers de divers corps de métiers qui avaient travaillé au Louvre (aujourd’hui ce serait plutôt l’ADN), mais Perrugia n’avait pas été invité à donner la sienne (le vol ayant été commis en août 1911, on avait oublié son passage !).

Ainsi donc, ce service, qui fort des techniques anthropométriques de signalement, des recherches de détails, d’indices, n’a pas rendu possible l’identification policière du coupable du vol de la Joconde.

Mais voici que l’affaire rebondit puisque le procureur général se fait remettre la fiche anthropométrique de Perrugia et constate que celle ci portait les empreintes de sa main gauche mais aussi de sa main droite…il demande alors des explications au service qui lui répond «le service prend les empreintes des deux mains mais pour le classement des fiches, seules les empreintes de la main droite sont utilisées. Il s’en suit qu’avec la trace du pouce gauche retrouvée sur la vitre du tableau, il n’était pas possible d’arriver à une identification à l’aide du classement [car] pour obtenir un résultat, il aurait fallu examiner une à une toutes les fiches. Mais un pareil travail était trop long pour être entrepris».

Que le procureur général se rassure, on n’aurait pas fait mieux aujourd’hui, par manque de personnel (on a en effet décidé de ne remplacer que la moitié des fonctionnaires partant à la retraite et que dire du triste avenir du «service publique» par manque d’un budget décent consacré à la Culture, à la Justice ou à la Police ?)…

mardi 17 juin 2008

Les rapports de gendarmerie et de procureurs généraux au XIXe siècle


Dans le mélodrame du mélomane (lire ce billet), j’avais indiqué la présence dans la sous-série BB/18 de rapports rédigés par la gendarmerie et par les procureurs généraux sur les crimes commis, ainsi que sur les incendies déclarés dans leur ressort respectif entre 1891 et 1914 éparpillés dans les articles BB/18/1836 et suivants (jusqu’à l’article 2530/2).

L’argument de la rédaction de cet instrument de recherche repose sur un constat simple : lorsque pour son domaine de recherche, le spécialiste de l’archive judiciaire, ayant épuisé toutes les sources mises à sa disposition, sera tenté de prospecter vers d’autres fonds, son centre d’intérêt se portera progressivement vers des ensembles documentaires non encore inventoriés et susceptibles, selon lui, de lui apporter de nouvelles informations. L’absence d’inventaires appropriés et détaillés ne découragera nullement ce spécialiste, qui pourra dépouiller, pour autant que le temps lui permette, un ensemble de documents de plus en plus précis afin de repérer rapidement l’élément qui lui sera nécessaire pour son sujet de recherche. Les rapports contenus dans les cartons BB/18 précités en font partie. De fait, la nécessité et le souci d’en préserver la conservation et d’éviter les communications inutiles en salle de lecture ont été l’argument principal pour l’élaboration de cet inventaire. Pour autant, l’intérêt historique de ce groupe documentaire n’est pas à négliger eu égard à la pertinence des informations contenues dans ces rapports.

Pour l’étude des archives

Cette masse de rapports de 1891 à 1914 complète et prolonge d’autres fonds : les registres des enregistrements des crimes et délits conservés aux Archives départementales ignorent souvent les affaires classées sans suite pour cause d’auteur inconnu ou en fuite ou décédé ou encore suicidé, etc., et peuvent être ainsi complétés par ce groupe documentaire. De même que les rapports (et les procès-verbaux) de gendarmerie des séries M (administration générale et économie), U (Justice) et Z (sous-préfectures) trouveront un écho à ceux analysés dans cet inventaire.

Aux Arch. nat. (site de Paris), les sous-séries F/7 (Police générale), BB/18/6048 et 6049 (incidents auxquels se trouvent mêlés des gendarmes, [1864]-1930)), BB/18/6586 et 6587 (rapports de la gendarmerie avec les parquets, [1820]-1930), BB/19/7, 8, 29-36 (incendies en 1846), BB/30/258 (incendies en 1822-1823) et BB/30/947-949 (rapports des PG sur les délits anarchistes en 1895), etc., devront absolument être compétées par les rapports de cet inventaire.

Pour l’étude de la procédure criminelle

Le code d’instruction criminelle de 1808 (par rapport à celui de 1791) se distingue par sa sévérité à l’égard de la personne poursuivie. La détention « préventive » de celle-ci, selon les termes de ce code, pouvait être illimitée jusqu’à la fin du procès. La loi du 14 juillet 1865 élargit quelque peu le champ de la liberté provisoire. Mais il a fallu attendre la promulgation de la célèbre loi du 8 décembre 1897 (bulletin des lois, partie principale, 2e semestre de 1897, 12e série, tome 55, pages 1777-1779) dite loi Constans, pour qu’un défenseur puisse assister son client lors des interrogatoires, et ce, dès sa première comparution devant le juge d’instruction. Cette loi renforça également les formalités à remplir au cours de l’instruction. Cependant, si les droits de la personne poursuivie furent renforcées, les initiatives procédurales de cette loi bouleversèrent le rôle du ministère public et des problèmes liés à l’application de cette loi commencèrent à se faire sentir. En effet, les juges d’instruction, pour éviter la présence de l’avocat, mettent en cause les insuffisances de la loi et multiplient les interventions auprès de la Chancellerie, à effet, sinon de la réformer, du moins d’y apporter des modifications. Les cartons BB/18/2108 et suivants (voir également dans BB/18/6153/1), illustrent les problèmes posés par l’application de cette loi du 8 décembre 1897 souvent évoquée mais rarement étudiée.

Pour l’étude des crimes

Les rapports de la gendarmerie (beaucoup plus que ceux des PG), par le détail des renseignements (sur les auteurs des crimes, sur les victimes, sur leurs activités respectives, sur les lieux géographiques, etc.) fourniront une donnée très précise ou compléteront une monographie d’un crime. Certes, il ne s’agit pas d’y trouver de l’extraordinaire comme dans les dossiers de procédure, mais plus pragmatiquement une analyse synthétique susceptible d’éclairer une lecture du crime par le tragique, par le sordide (viols d’enfants, infanticide) ou par le macabre (découverte de cadavre), etc. Les études générales d’un type de crime (parricide, infanticide, etc.) ou l’étude de type de déviance (attentats à la pudeur, crimes passionnels, etc.), ainsi que l’étude des catégories de criminels liée à leur « spécificité » (femmes=infanticides, avortement ; hommes=viols ; ouvriers=rixes, violences familiales, etc.) pourront être complétés par ces rapports. Les troubles dans des lieux publics, les rixes sanglantes ou non, les charivaris, les attaques de courriers publiques ou de voitures particulières, le banditisme, les attentats anarchistes, les incidents survenants dans des lieux sacrés, des délits commis par des braconniers, la fabrication et l’émission de fausse monnaie, etc., peuvent donner lieux à de passionnantes analyses sur les facteurs de la criminalité (éléments à compléter évidemment par des sources des Archives départementales).

Pour l’étude des incendiaires et des conséquences des incendies

Si de rapports similaires se trouvent dans les cartons BB/19/7, 8, 29-36 (incendies en 1846), BB/30/258 (incendies en 1822-1823), ceux de la gendarmerie ainsi que ceux des PG (dans une moindre mesure) analysés ici donneront des renseignements très utiles sur les victimes, sur les assurances, sur les activités respectives, sur les lieux géographiques, etc. Ils fourniront également un apport non négligeable pour l’histoire de l’environnement (incendies des forêts par exemple) ou pour l’histoire des assurances.

Pour l’histoire locale

L’intérêt des documents de ce groupe documentaire dépasse largement le cadre de l’histoire judiciaire «spécialisée» puisque des chercheurs «pluridisciplinaires», s’intéressant à toute type d’archive pourvu qu’ils dénichent le nom d’une «personnalité» locale ou un fait divers ayant pour cadre leur commune, y trouveront des pistes singulières pour la rédaction de leurs monographies territoriales ou pour compléter leur généalogie.

Enfin, on notera l’intérêt de ces documents pour l’étude des pillages commis par des indigènes en Algérie ou celle du banditisme en Corse (documentation plus fragmentaire à compléter par d’autres sources).

vendredi 13 juin 2008

Concours des héros et des braves

(coupure de presse, dossier Baron, LH/3190)

On trouve souvent des pièces justificatives dans les dossiers de demande de Légion d’honneur. Celles évoquant les actes de dévouement sont les plus nombreuses, ce sont en effet des actes d’oubli de soi-même non moins remarquables que le candidat à la rosette en parle avec beaucoup d’enthousiasme et d’ardeur puisqu’ils semblent avoir à ses yeux un caractère général (ayant été accomplis au profit de la société toute entière).

Voici François Baron, né le 28 mai 1844 à Saint-Cosme. Il commence à peine âgé de 12 ans, sa longue série d’actes de courages, en retirant le 11 janvier 1856 trois de ses camarades d’école qui, s’étant trop aventurés sur la glace, disparaissaient sous l’eau sans l’aide généreuse du jeune sauveteur.
Le 6 juin 1858, la Saône, très grosse, déborde de tous parts et un jeune homme, entraîné par les flots va se noyer, mais qui l’aperçoit ? notre Baron qui se jette à l’eau et le sauve…
En 1867, il se distingue dans deux actes de bravoure à Valence ; dans l’un incendie, il arrache à la mort un vieillard qu’il transporte à l’hôpital avec l’aide de ses camarades, dans l’autre, trois voleurs dépouillent un malheureux vieillard, il engage alors une lutte avec eux, les saisit et les livre à la police...

Et ainsi de suite, le rapport lu le 19 décembre 1911 en la séance publique de l’Académie des Sciences, Belles Lettres et Arts de Lyon énumère maints autres exploits de Baron ; mais la guerre éclata entre temps et son dossier entra en souffrance. De plus, dans une lettre du 19 mai 1914 adressée au Grand chancelier, le préfet de Lyon «estime que l’attribution de la croix de chevalier de la Légion d’honneur serait hors de proportion avec les services qu’il a rendus (…) et qu’il figure sur la liste des trois anarchistes de [son] département».

Pas de bol donc.

Baron sollicite à nouveau mais sans conviction, sa médaille dans une lettre du 24 février 1919 adressée au Grand chancelier mais celui-ci avait suspendu (juste après la guerre, on le comprend) toutes les nominations au titre civil.

À nouveau, pas de bol pour Baron. Pas facile de se faire décorer.


mardi 10 juin 2008

Le mélodrame du mélomane


Il existe dans les articles BB/18 des rapports rédigés par la gendarmerie et par les procureurs généraux sur les crimes commis, ainsi que sur les incendies déclarés dans leur ressort respectif entre 1891 et 1914.

Ces rapports ne constituent pas un fonds homogène. N’ont été sont décrits que les rapports de gendarmerie et de procureurs généraux intéressants les crimes et les incendies et conservés dans la série chronologique BB/18 1836 à 2530/2 (années 1891 à 1914) sous la rubrique «affaires générales». Ces rapports sont classés, pour les premiers, par date ou par corps d’armée, et pour les seconds par cours d’appel. Au même titre que les rapports d’expert, ceux analysés ci-dessous sont des éléments de base d’un dossier de procédure ou de la cause lorsque celle-ci est amenée à l’audience.

Les rapports de la gendarmerie, extrêmement synthétiques, traduisent le caractère rituel administratif, alors que ceux des procureurs généraux, organisés par cour d’appel, s’inscrivent dans la droite lignée de l’appareil judiciaire et témoignent de l’activité de la gendarmerie.
Les rapports de gendarmerie sont adressés directement par les chefs de légion au ministre de l’Intérieur ainsi qu’aux procureurs généraux. Ceux-ci les complètent par des pièces d’information ou par des pièces annexes (journaux relatant les faits incriminés, affiches, correspondances diverses, etc.) et les communiquent à leur ministère de tutelle.

À l’inverse de ceux de la gendarmerie, les rapports des procureurs généraux découlent de l’activité du parquet et n’obéissent à aucune norme définie par une circulaire quelconque. De fait, le terme «rapport» est assez impropre (le terme «dossier» serait plus approprié) même si les éléments contenus dans ces dossiers sont très variables. Souvent réduits à une ou deux pièces (parfois ne subsiste que la chemise), certains dossiers n’offrent aucun intérêt scientifique. D’autres, en revanche, apportent de riches renseignements et de surprenantes informations complémentaires aux dossiers relatifs aux affaires criminelles conservés dans la sous-série BB/18 des Archives nationales.

Si de nombreux dossiers ne permettent aucune étude de fond sur une affaire particulière, d’autres autorisent beaucoup d’espoir dans des domaines de recherche spécialisée ou de recherches individuelles (on expliquera dans un billet à venir les domaines de recherches que permettent ce groupe documentaire).

Voici un exemple amusant d’un de ces rapports de gendarmerie, qui, réputé resté sans fatuité, connaît parfois quelques débordements stylistiques à l’image de ceux du capitaine Roques (dont nous proposons la reproduction). Pour autant, cette lecture au second degré ne doit pas occulter la richesse des informations y contenues.

«Lyon, le 20 mai 1891.
Rapport du capitaine Roques, commandant la gendarmerie de la section de Lyon sur un meurtre commis à Lyon.

Le 18 mai courant, vers deux heures du soir, un meurtre a été commis à Lyon, rue Garibaldi n°160, par le nommé Bressant Charles, teinturier, âgé de 46 ans.
La victime est la nommée Mourgue Françoise Mélanie, femme Taravel, âgée de 47 ans, tireuse de cartes, demeurant (…), etc.

La victime a eu le ventre ouvert avec un couteau de boucher et elle a expiré quelques instants après dans la pharmacie Baraja où on l’avait transportée.
Comme elle souffrait depuis longtemps d’une maladie de cœur, le médecin appelé en toute hâte, avait conclu à une mort naturelle [on rappelle tout de même que «la victime a eu le ventre ouvert»!] et le crime n’a été découvert que par suite d’une lettre adressée par le meurtrier au procureur de la République.

[la chute]

On ignore encore les causes du meurtre mais l’on croit avoir affaire à un mélomane.

[c’est un meurtier musicien ou alors notre capitaine Roques voulait-il écrire «mélodrame»?]

[autre chute]

La gendarmerie n’a été prévenu qu’aujourd’hui [c’est-à-dire le 20 mai alors que le drame a eu lieu le 18 mai] par la presse locale [sans commentaires]»

juin, milieu

un corsaire caché derrière chaque corolle
jaune et nue pour éblouir des yeux vagabonds
dans ces cieux inachevés exagérés d’odeurs découpées
une ressemblance profonde avec des navires hâtifs
vif coloris au feu parfumé et à la cendre violente
nuit immense et fruitée : voici l’azalée pontique

œuvre achevée et herbe enivrante du soir
entre l’été et l’avalanche des liqueurs
des rameaux affolés retournent au bain
des fleurs campanulées recherchent la vie
frémissantes de leur coquetterie
vêtues de flammes et de soleil : voici le philadelphus

lundi 9 juin 2008

Un Belge enrubanné


Le port illégal de décorations était considéré nominativement par le Code pénal dans ses rapports avec l’autorité publique, et rangé parmi les attentats contre la paix publique. D’après l’article 259 du Code pénal (devenu aujourd’hui l’article 433-14 et qui incrimine toujours le fait de porter irrégulièrement une décoration réglementée par l’autorité publique), cette disposition, n’avait pas seulement pour objet de protéger le signe honorifique en lui-même, mais encore de faire obstacle à certaines escroqueries. Était ainsi condamnée toute personne qui aura publiquement porté une décoration qui ne lui appartient pas, à un emprisonnement de 6 mois à 2 ans, cet article était applicable aux Français et aux étrangers, mais il existe tout de même quelques failles.

Ainsi, Charles Heyman, homme de lettres belge, demeurant au 1 rue de Berlin à Paris (notez que cette rue n’existe plus à Paris depuis la dernière guerre, elle a été dénommée «rue de Liège», seul subsiste un minuscule square de Berlin perdu dans le 8e arrondissement…)…, ce Charles Heyman donc, avait été l’objet à la date du 7 février dernier d’un procès-verbal pour port illégal de décoration. Voici en quels termes le Procureur général de Paris en fait un rapport au Garde des sceaux, 23 avril 1900. (BB/18/2143, dossier 103 A 1900).

«(…), le 16 février, en effet, M. Heyman avait été aperçu sur la voie publique, portant à la boutonnière de son vêtement un ruban rouge semblable à celui de la Légion d’honneur. Il appert des explications (…) qu’il serait titulaire de plusieurs ordres français ou étrangers et notamment, ainsi d’ailleurs qu’il en a justifié par la représentation du diplôme, qu’il est chevalier de l’ordre du Christ de Portugal dont le ruban est rouge, en effet, comme celui de la Légion d’honneur (…) mais il a excipé de sa qualité de sujet belge et a soutenu que l’article 259 du Code pénal, le décret du 10 mars 1891 et les autres textes régissant la matière, ne sauraient s’appliquer à un sujet étranger et il s’est déclaré résolu à continuer à porter le ruban rouge de l’ordre du Christ de Portugal »…

(…) suivent ensuite des questions de principe et le Procureur général propose de classer l’affaire, ce que confirme le ministère dans une lettre du 7 mai 1900 conformément à un arrêt rendu par la cour de cassation le 25 mars 1899 dans une affaire identique.

Aujourd’hui, l'article 3 du décret du 6 novembre 1920 précise qu'il est interdit aux titulaires des décorations étrangères comportant des rubans rouge de les porter comme des rubans ou en rosette seuls sans les insignes qui s'y rattachent.

lundi 2 juin 2008

juin, début

de l’ivoire en poudre sur une chevelure persistante
pluie de poivre et de cannelle
brisant le mur de sa seule odeur
parfaite entente du rêve et du sable
pour tromper d’un cri une pendule en miettes : voici le drimys

araignée en pâmoison pour une odeur de camphre
paupière veloutée au goût de fruit salé
tous les oiseaux de glaise grésillent dans ses bois dangereux
devant ce miroir aux moucherons : voici le calycanthe