vendredi 21 décembre 2012

La typologie des actes notariés

©Manuel Charpy/Archives nationales, Minutier central. Testament 1884
(Exposition du 13 avril au 16 juillet 2012 à l’hôtel de Soubise, Paris)



Depuis novembre de cette année, j’ai quitté la section du XIXe siècle (dissoute pour former plusieurs départements scientifiques à Pierrefitte-sur-Seine). Je suis dorénavant au Département du Minutier central des notaires de Paris, une des directions scientifiques du site de Paris dont je vous laisse découvrir la présentation sur le site des Archives nationales :

Je découvre ces archives et la première chose que j’ai faite est de s’approprier de la forme des actes qui n’est pas compliquée : des expéditions d’abord, aussi appelées grosses, que seul le notaire détenteur de la minute de l'acte original peut en délivrer une (souvent en parchemin alors que la minute est sur papier), les répertoires ensuite, obligatoire en double exemplaire depuis 1791 et qui donnent dans l’ordre chronologique tous les actes passés dans une étude (renseignements sur la date, la nature de l’acte et noms des parties). Et enfin pour finir dans la forme des actes, ne pas oublier le brevet qui est un acte inscrit dans le répertoire mais qui n'est pas conservé au Minutier central puisqu’elle est délivrée par le notaire, lequel n'en gardant pas la minute (généralement des certificats de vie, de procurations, des quittances, etc.). Tous ces actes sont déclarés au bureau du contrôle et la mention de cet enregistrement (avec la date) figure à la fin des minutes avec la signature de l'agent du contrôle (c’est grâce à cette indication qu’on retrouve le nom du notaire qui a conservé la minute). Notons qu’aux Archives départementales, il existe (le plus souvent en série Q) les tables d'enregistrement (tables des testaments, des successions, des vendeurs, etc.) qui permettent également de retrouver une minute difficile à trouver par manque d’informations…

Passons maintenant à la typologie des actes. J’ai pu comprendre et analyser que les actes notariés peuvent se répartir en plusieurs catégories, lesquelles mènent à des recherches très variées sur l’histoire des familles, celles des entreprises, des techniques, sur l’histoire de l’art, etc.

D’abord les actes familiaux (inventaires après décès, liquidation, partage, adjudication, apposition de scellés etc.), et ceux concernant la propriété (comme les ventes d'immeuble, les échanges, les partages successoraux, etc.) que je classe ici dans un ordre alphabétique :

-accord, acquiescement, tous les actes touchant la famille (baptême, décès, mariage, profession religieuse, etc.), adjudication, apposition de scellés, approbation, arrangement de famille, assignation, assurance, attestation, attestation (de bonne vie et mœurs, etc.), aveu,...
-bail, bilan, brevet de retenue, certificat, cession, cession de marché, codicille, commandement, commission, comparution d'héritiers, compromis, comptes (arrérages, d'exécution testamentaire, de tutelles, etc.), concession, confirmation, congé, consentements (à mariage, etc.), contrats (d'apprentissage, de mariage, etc.),  convention, curatelle, toutes sortes de déclarations, de devis et marchés, délégation, dépôt de bilan, dissolution, don mutuel, donations (entre vifs, viagère, entre époux, etc.),...
-échange, émancipation, engagement, état de créanciers, exécution testamentaire, extinction, extrait, fondation, fraternité, hommage, indemnité, inventaire après décès, legs, licitation, liquidation, ...
-mainlevée, mariage, nantissement, nomination, notification, notoriété, obligation, oppositions (à mariage, etc.), ordre,...
-partage, pension viagère, permission, prestation de serment, prêt, prise de possession, procuration, procès-verbal, profession de foi, profession religieuse, promesse (de mariage, de vente, etc.), protestation, quittance,...
-récolement, reconnaissance (de dette, de paternité, etc.), rectification, tous les règlements des successions (inventaires après décès, liquidation, partage, etc.), renonciation, rentes (constitution, foncière, viagère, etc.), résignation, résiliation, résolution, rétrocession, révocation,...
-séparation volontaire, sommation, soumission, sous-bail, substitution, succession, sursis, testaments (olographe, etc.), tontine, traité d'office, transaction, tutelle, vente,...

Dans un prochain billet, je vais passer en revue les autres actes, notamment ceux liés aux circonstances politiques ou ceux qui touchent le domaine de l’argent, du crédit, etc., comme les quittances, les obligations, les rentes (baux, titres, constitutions de rente, les ventes ou rachats de rente, etc.), les tontines, ventes et autres partages successoraux ainsi que la très grande variété des recherches menées à partir de ces actes…mais en fin de compte je vous conseille de revoir le livret de visite (gratuit, mais dommage qu’il ne soit pas en ligne) de l’exposition "Des minutes qui font l'Histoire" présentée à l’Hôtel de Soubise à l’occasion des 80 ans du Minutier central des notaires de Paris par les Archives nationales du 12 avril au 16 juillet dernier. 
Voyez plus particulièrement la troisième partie sous forme d’abécédaire franchement très instructive et très bien faite (de Apprentissage [contrat d’] à Vente).

jeudi 20 décembre 2012

Le notaire peut il refuser son ministère le dimanche ou les jours de fêtes légales ?

http://www.photo-libre.fr/


Lu dans le journal Le Monde il y a quelques heures, cette phrase du ministre du Travail, Michel Sapin, «Le dimanche doit être, sauf cas exceptionnel, un jour sans travail pour les salariés» à propos du travail dominical qui fait son retour dans le débat public après l’affaire d’un grand magasin de bricolage (Bricorama pour ne pas la nommer) qui refuse de verser la somme de 38 millions d’euros d’astreintes décidée par le Tribunal de grande instance de Pontoise (Val d’Oise) suite à une plainte du syndicat Force Ouvrière, pour avoir ouvert le dimanche une trentaine de magasins franciliens, depuis janvier, malgré l’interdiction de la justice…

« Dimanche (sauf cas exceptionnel), un jour sans travail pour les salariés (donc) ? » Y compris pour les notaires ?…Voyons ce qui se disait déjà en 1832-1834 …

Extrait de l’ouvrage d’Henry Éloy, docteur en droit, substitut du procureur impérial «De la responsabilité des notaires d’après les lois, la doctrine, la jurisprudence et les circulaires ministérielles», édition Auguste Durand, rue des Grès, Paris, 1863.

«Autre question le notaire peut il refuser son ministère les jours de dimanche ou de fêtes légales ? La jurisprudence a été appelée à se prononcer sur ce point délicat voici à quelle occasion. Un notaire refuse de recevoir un acte de main levée hypothécaire pour lequel réquisition lui est faite un dimanche et sur la demande même de la partie il motive par écrit son refus sur ce que l officier ministériel ne peut être tenu d’agir un jour que la loi elle même a consacré au repos. Plainte de la partie poursuite du ministère public basée sur ce que le notaire doit prêter son ministère lorsqu'il en est requis conformément à la loi de ventôse qui ne fait pas de distinction entre les jours ordinaires et les jours fériés.

Le syndic de la chambre des notaires de l’arrondissement de Colmar s appuyant sur un règlement de discipline intérieure pris en 1832 par les notaires de cet arrondissement et d’après lequel notamment il était arrêté que sauf les cas d’urgence de nécessité de danger ou perte réelle les notaires ne seraient pas astreints à agir les dimanches et jours de fêtes légales prend fait et cause pour le notaire et soumet la difficulté au tribunal civil.

Cette difficulté est éludée en ce sens que le tribunal se fondant sur les antécédents favorables du notaire et sur ce que le fait à lui soumis le refus du notaire ne donne pas matière à blâme renvoie le notaire de la plainte. La chambre des notaires veut être fixée sur la légalité de son règlement le syndic appelle donc de la décision du 20 janvier 1834 en ce qu'il n a pas été statué sur le fond du droit.

Mais la cour de Colmar n’avait réellement pas à statuer puisque le notaire ayant été renvoyé de la plainte sans grief la chambre des notaires ou son syndic n’avait plus à prendre le fait et cause du notaire et n’était pas plus recevable dans son appel que le notaire ne l’était lui même en sorte qu'il n’y avait pas à s’occuper des conclusions prises devant la Cour et que la question non résolue restait entière. Or ce que l’on ne saurait contester en droit c est que la loi de ventôse ne distingue pas et pose un principe général. 

Si l’on se reporte aux motifs qui ont fait établir ce principe au caractère d’officier public attribué au notaire à la nécessité dans un but d intérêt commun de lui imposer l’obligation de ne pas se refuser arbitrairement à la réquisition des parties l’on comprendra que la loi n avait en réalité à faire aucune distinction d’autant moins qu’ayant voulu éviter aux parties un préjudice ce préjudice se présenterait aussi bien dans l’hypothèse qu’on veut soustraire à l’application de la loi. En fait les notaires ne peuvent sérieusement poser en règle qu’ils ne feront pas d’actes les dimanches ou jours fériés ce serait enlever à une classe nombreuse de citoyens une faveur dont on ne peut contester l’utilité celle de ne pas être distraits de leurs jours de travail et de réserver la rédaction des actes pour les jours fériés qui leur laissent plus de loisir.

Aussi doit on dire que ce n’est qu au cas où il n’y a pas urgence nécessité danger ou perte réelle que le notaire n aura pas les jours indiqués un ministère obligé.

Tels étaient du reste l’esprit et les termes de la délibération de la chambre des notaires de l’arrondissement de Colmar et ainsi apprécié nous croyons ce règlement légal en soi. Le résultat est celui que nous avons eu déjà fréquemment l’occasion de signaler avec la jurisprudence à savoir que la responsabilité ne peut en tous cas peser sur le notaire qu’autant qu’il est auteur du préjudice.
Le tribunal de Colmar décidait donc en fait et sagement et légalement lorsqu’il prononçait que le refus du notaire dans l’espèce n offrait pas matière à blâme, que si ce refus pouvait causer préjudice, il y aurait lieu et pour le ministère public de s’alarmer et d’agir en conséquence et pour la partie lésée de demander réparation.

Le notaire en tant qu'officier public se doit aux citoyens. D’autre part la loi lui impose d’agir lorsqu'il en est requis, il manquerait donc à son devoir si son ministère devenant réellement nécessaire, il refusait de le prêter. Il est vrai que l’article 57 de la loi du 18 germinal avait fixé le repos des fonctionnaires publics aux jours de dimanches et de fêtes reconnues par le Concordat et que les circulaires recommandent l’exécution scrupuleuse de cette prescription (…). Mais il s’agissait dans l’espèce de ce jugement d’un acte qu’on reconnaissait au notaire le droit de faire le lendemain du jour férié et cette décision n’a rien de contraire au principe général de la loi de ventôse ni à celui qui veut que le notaire se trouve à la disposition des parties s’il y a urgence nécessité menace d’un préjudice ou d’une perte réelle.

Ainsi si le notaire est appelé un jour de dimanche pour recevoir le testament d’une personne dangereusement malade il nous parait évident qu’il doit se soumettre à la réquisition et que ce motif que sa croyance religieuse lui défend d’instrumenter le dimanche ne serait pas une explication suffisante de son refus… »

lundi 10 décembre 2012

ès ou konnet ICA-Atom ?

Personnalisation de ICA-Atom pour les besoins du stage

Voici une formation que je ne suis pas prêt d’oublier : celle dispensée aux Archives départementales de la Martinique du mardi 27 au jeudi 29 novembre dernier (pour une douzaine de participants des AD-Martinique, AD-Guadeloupe et des AN de Haïti) dans le cadre du projet Carbica http://www.carbica.com/fr/ organisé à Fort-de-France par la directrice des AD de la Martinique, madame Dominique Taffin que je remercie ici très chaleureusement pour son enthousiasme et son intérêt pour notre travail, et aussi pour son grand professionnalisme et son accueil exemplaire.
Leur accueil a vraiment été formidable, les participants ont aussi un très bon niveau, ce qui facilite la tâche du formateur.

Le thème général était d’articuler les normes ISDIAH et ISDF ainsi que les DTD EAD et DTD EAC sous ICA-Atom, d’où ce titre amusant en créole «ès ou konnet ICA-Atom ?», ce qui signifie «connaissez-vous ICA-Atom ?» (merci à Frédéric de cette traduction).

Nous avons commencé par des rappels sur la description archivistique et l’analyse archivistique puis nous avons enchaîné par les autres formes de description des archives : celle sur le contexte de production, sur la description des fonctions et sur les institutions de conservation. Nous avons insisté sur l’utilité et le rôle de ces normes ainsi que de l’articulation entre elles dans ICA-Atom.

Le principe de la formation n’était pas un monologue mais l’inverse : les participants ont tous été sollicités par des travaux en petits groupes, par des présentations à faire individuellement ou de concert. Ainsi pour introduire la norme ISDIAH, nous leur avions demandé (en atelier remue-méninges) de quelles informations auraient-ils besoin si on leur demandait de rédiger une notice (et quelles informations rendre obligatoires) sur une institution ou un organisme détenant et préservant des documents d’archives (archives, bibliothèques, musées, entreprises, familles, individus, etc.). Ce travail s’achevait par l’encodage sur ICA-Atom…

D’autres exercices étaient nettement pus difficiles, comme celui consistant, à partir d'une page extraite du site des Archives départementales de la Martinique et en se basant sur l’exemple de l’application ETANOT des Archives nationales, à isoler les informations relatives au contexte de production des archives (de celles relevant de la norme ISAD(G)), et à ensuite les structurer conformément à la norme ISAAR(CPF) et enfin à rédiger une notice d’autorité complète sous ICA-Atom en remplissant toutes les zones.
Voici cet état des fonds sou forme de tableau :
Cote;Étude;Lieu;Prédécesseur;Dates extrêmes
3E1/1 à 118;BELHUMEUR-HAYOT;Trinité;prédécesseurs : Cognet, Joyau, Kailer-Grangenois, Dangeros;1789-1900
3E2/1 à 675;DUVAL;Fort-de-France et Le François;prédécesseurs : Husson, Siger-Capoul, Fournier-L'Etang, Louis Saint-Cyr;1802-1940, 1941-1965
3E3/1 à 59;PLISSONNEAU-DUQUESNE, (actuelle étude, MODOCK-LEPELLETIER, BEAUFOND-DUVAL);Gros-Morne puis Fort-de-France;prédécesseurs : Holozet, Peran, Berté Saint-Ange, Clarac, Thouré, Corneille, Adam;1818-1947
3E4/1 à 135;CONSTANTIN;Fort-de-France;prédécesseurs : Tiberge, Ferriez, Thomas-Husson, Maugée, Gentile, Clavery, Bardiny;1824-1899
3E5/1 à 317;TEANOR;Fort-de-France;prédécesseurs : Bartouilh, Sinson, Lemerle, Godissard, A. Siger, Audemar;1829-1942
3E6/1 à 102;NIMAR;Saint-Esprit puis Fort-de-France;prédécesseurs : Deslauriers-Lillette, Gardié, Joyau, Dupuy, Crény, Planche;1843-1918
3E7/1 à 153;SIRON;Le Marin puis Fort-de-France;prédécesseurs : Crény, Edouard Saint-Cyr, Saint-Aude;1875-1961.

Des travaux en groupe sur les bonnes pratiques de la description archivistique et de la saisie des notices d’autorité sous ICA-Atom avaient aussi été prévus. Un groupe sur la normalisation de la description archivistique, un autre sur la saisie dans la zone d’identification, la saisie dans la zone de description ou un autre sur la saisie dans les zones des relations et du contrôle de la description.
Enfin, le dernier jour était consacré aux «points d’accès» :indexation, liste d’autorité et autre thésaurus ainsi qu'avec des exemples de mise en œuvre sous ICA-AtoM (exercices pratiques d'exportation et d'importation des notices SKOS, etc.
Bref, j'ai été ravi-ravi de cette formation.

Merci à tous les participants et à la Martinique !

Martinique Jazz Festival 2012

J'étais en Martinique en ce début de décembre 2012 et j'ai franchement été bluffé par l'offre culturelle que nous offre ce département.
Le samedi 1er décembre à l'Atrium (une belle salle de concert à Fort-de-France ) en première partie, j'ai assisté à un jazz dit pop, mais j'ai trouvé que c'était plutôt un jazz vocal (assez mélodique) avec de subtils arrangements. Véronique Hermann Sambin, fille du pays, à la voix, et j'ai reconnu Tony Texier, pianiste franco-américain (avais assisté à son concert au Sunset à Paris où il était avec son quartet, c'était en juin dernier).
En seconde partie, arriva enfin Lucky Peterson à la guitare, à l'orgue et au chant. Alors là, quel organe ! Du jazz soul à la Ray Charles que je n'ai pas connu. Une mise en scène extraordinaire, notre Lucky Peterson se donnait littéralement au public, allait et venait, des gradins à la scène, il était «dedans» comme on dit. J'ai franchement adoré.
Le lendemain dimanche, nous quittions Fort-de-France et l'Atrium, pour Fonds-Saint-Jacques, à l'est de l'île, pour écouter Carlton Rara et ses arrangements en créole et en anglais, bien qu'il soit franco-haïtien, il a une voix subtile et j'ai vraiment beaucoup apprécié son «jazz-reggae» ainsi que ses compositions originales sur des thèmes traditionnels caribéens. Là aussi j'ai reconnu à la guitare, pour l'avoir entendu quelque part, Johary Rakotondramasy (un malgache), Serge Balsamo, autre guitare, était à découvrir. En seconde partie, nous avons eu du jazz classique mais nous avons dû rentrer à Fort-de-France pour cause de travail le lendemain.
Voyez plutôt leur site pour se faire une idée http://www.cmac.asso.fr/martinique-jazz-festival-32.html

Bref, merci aux personnes qui m'ont accompagné à ces concerts, qui m'ont fait visiter l'île, donner l'histoire de Fonds-Saint-Jacques et fait passer un moment délicieux en Martinique où j'étais venu donner une formation sur la manière de décrire les Archives sous ICA-Atom...