mercredi 11 septembre 2013

Que sont les "dossiers de clients" du Minutier central des notaires de Paris?

"Prière de ranger ce répertoire", étude de Me Dufour
un répertoire sur les "dossiers clients" (assez rare!)

Des documents produits par les notaires, on connaît les minutes (qui ne sont plus à présenter) ainsi que les répertoires (registres établis par eux et où ont été relevés, dans l’ordre chronologique, tous les actes passés dans leur étude et qui indiquent date, nature de l’acte et noms des principales parties concernées...en somme, c’était dans le temps, des instruments de travail qui nous servent aujourd’hui d’instruments de recherche).

Minutes et répertoires donc. Mais que sont les dossiers de clients au Minutier central ?

Ces documents sont en fait constitués par les notaires pour préparer leurs actes. Ils contiennent donc des pièces relatives aux affaires traitées et, parfois, des documents annexes tels des arbres généalogiques, des titres, etc., confiés par les clients et restés, de fait, à l'étude car jamais réclamés par leurs déposants (en toute rigueur, ces papiers auraient dû être restitués aux familles, mais celles-ci ne les ayant pas réclamés, parce qu'elles estimaient que l'étude du notaire était encore le lieu le plus approprié à la conservation de leurs archives familiales, les ont laissé au notaire…pourrait-on, en conséquence, des années plus tard, considérer que «possession vaut titre», que ces papiers deviennent, après un laps de temps plus ou moins long propriété de l'étude !).

Les déposants en question sont des personnes physiques, des familles ou des entreprises.
Et contrairement aux minutes et répertoires (archives publiques), on a affaire ici à des archives privées (pas de versements systématiques ou réglementaires donc).
Ces dossiers ont reçu une cote MC/DC [pour Minutier Central/Dossier Client] (les répertoires sont cotés MC/RE et les minutes et MC/ET).

Ainsi, eu égard leur intérêt historique (on le verra par la suite), les responsables du Minutier central, à commencer par Ernest Coyecque, depuis la création du Minutier central, puis par Marie-Antoinette Fleury (tous deux étaient des «archivistes-conseils» de la Chambre des notaires, le premier jusqu’en 1954 et Marie-Antoinette Fleury de 1954 à 1976), se sont efforcés d'obtenir la remise aux Archives nationales de ces nombreux dossiers de clients, que les notaires, en principe, détruisaient au bout de 30 ans…

Exemple d'une cote d'une pièce d'un dossier de client
ici DC 1 de l'étude XLVIII


Or, comme on l’a dit, ces dossiers contiennent des pièces relatives à des affaires précises, mais aussi des documents qu'on pourrait qualifier d'archives privées des notaires (comptabilité, dossiers du personnel, etc.). À côté de ces archives «administratives» de l'étude, on trouve des documents sur les dossiers de succession (de loin les plus nombreux aujourd’hui), des dossiers de préparation d'un acte isolé (contrat de mariage le plus souvent), des dossiers de faillite de sociétés, etc.

Des documents de ce type sont donc parvenus au Minutier central en même temps que les premiers dépôts de minutes. Ils forment aujourd’hui une série intitulée «Mélanges» (près d’un millier d'articles provenant de 82 études mais avec des groupes documentaires d'inégale importance) dont certains documents remontent au Moyen Âge : documents de 1100 pour l’étude XLIX, de 1171 pour les études CXXII et LXXXII, de 1209 à 1317 pour les études C et XCI, documents de 1423 pour l’étude XCIV, etc., mais la majorité date surtout des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles. Ce groupe documentaire intitulé «Mélanges» est doté d'un inventaire dactylographié dit «Inventaire des mélanges» suivi d'un index consultable dans sa forme matérielle dans la salle des inventaires et se présente de la manière suivante:

ET/II/960. Dossier Berbier (1477-1699).
(…)
Seigneurie de Brunetel, le Mesnil près Brunetel ; Courcelles près Bar-sur-Aube, Rouvay : ventes, contrats de mariage, reconnaissance de censives, échanges, accord, élection de tuteur et curateur, quittance.
Déclaration d’une rente de 6 livres 5 sols grevant un jardin sis à Mantes, rue Gateville, en raison d’un legs de Jacques Havard, curé de Guernes, aux églises de Saint-Martin de la Garenne et de Guernes (1726).
Bail d’une maison à Limay, rue du Bout-du-Pont (1773).
Contre-lettre d’un pseudo prêt de 10.000 livres (1725).
Pièces concernant Gabriel-Joseph Dubois, maître tailleur d’habits (1773).

etc.

Mais revenons aux dossiers de clients. Comment avaient-ils été constitués ? Comment sont-ils traités aujourd’hui ? Que trouve-t-on aujourd’hui dans ces dossiers ? Comment les communiquer ?

Pour les premiers dossiers de clients, Ernest Coyecque eu une démarche de «bibliothécaire» (il avait en effet commencé sa carrière à la Bibliothèque nationale avant un bref passage aux Archives de la Seine, voir sa notice sur Wikipédia http://fr.wikipedia.org/wiki/Ernest_Coyecque ).
Cette approche volontairement documentaire est à l’origine de cet «Inventaire des mélanges» car tout en travaillant au versement des minutes et répertoires, il a extrait de ces dossiers des documents isolés qu'il considérait comme présentant un intérêt particulier. D'où le nom de «mélanges» donné à l'ensemble ainsi constitué de dossiers anciens (antérieurs aujourd'hui à 1920) et qui renferment des pièces dont l'intérêt documentaire (et non historique, comme on l’entendrait aujourd’hui) a exigé leur conservation au Minutier central des Archives nationales.

Ça c’était le passé. Les dossiers de clients entrés par la suite ont, quant à eux, été partiellement traités (tri sommaire, répertoire et fichier, mise en cartons) de 1976 à 1989 par Hélène Legrand. Et au départ de cet agent, l'opération ayant été arrêtée, les cartons ont été montés dans un grenier puis déposés à Fontainebleau parce qu’au début des années 2000, le grenier du Minutier était dans une situation désastreuse : à l’exception de ceux rangés dans des boîtes Cauchard ou des Dimab, les dossiers de clients étaient entassés dans des cartons de déménagement, souvent éventrés ou dans de grandes caisses en bois à claire voie, il y avait des papiers en vrac partout, des documents dispersés avec de la poussière grasse accumulée sur tout sans compter les indéniables actions de vandalisme (il semblerait, mais aucun des agents actuels du Minutier n'en garde de souvenir, des personnes non identifiées se seraient introduites dans le grenier et avaient coupé les sangles ou les ficelles entourant les liasses, mélangé les dossiers, dispersé les documents pour rechercher…autographes de personnalités, plans et dessins originaux, manuscrits ou timbres !). Dommage que personne n’a songé à prendre des photographies de ce grenier...

La question qu’on est en droit de poser aujourd’hui est quel genre de tri appliquer dorénavant ? et d’abord ces dossiers ont-ils réellement un intérêt historique ?
On le verra dans un prochain billet…

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